(Place de la République – 7 Janvier 2016)
La France est un grand pays. Ou en tout cas, elle s’accorde à se penser comme telle. La France a un glorieux passé. Véritable agrégat de victoires et de défaits (défaites), de coups d’éclat et de coups d’Etat, de grandiloquence et de grotesque, de génie et de folie. Alexis de Tocqueville, philosophe, dans ses dernières pages de L’Ancien Régime et la Révolution décrivait ainsi son pays comme « le mieux à même pour y devenir tour à tour objet d’admiration, de haine, de pitié, de terreur, mais jamais d’indifférence. »
Force est de constater qu’une partie des Français, éloignée de la mondialisation, écartée de l’Europe, a préféré placer son destin dans le populisme. Elle a rejoint en cela les Britanniques et les Américains qui ont tour à tour privilégié l’hypothétique Brexit et l’aléa Trump (voir Trump : au nom des autres).
Ce n’est malheureusement plus une surprise. 2002 est si loin désormais. C’était pourtant il y a quinze ans. Pas de ça chez nous, avait-on dit. Des centaines de milliers de citoyens avaient défilé contre l’extrémisme en France. Après la présence surprise du FN au second tour de l’élection présidentielle, il s’agissait d’un puissant sursaut républicain. En réaction, les citoyens s’étaient mobilisés massivement contre l’extrême-droite en 2002 et en 2007 (voir Halte à l’Europe des populismes !).
Bien sûr, leur colère devant la crise politique et économique que traverse la France est légitime. Evidemment, les choses doivent changer, et sur ce constat implacable, un consensus se dégage. Seules les solutions diffèrent.
Et c’est bien là que le bât blesse. Malgré la tentation qu’offre toujours les solutions simplistes, elles ne permettent pas de répondre aux problématiques toujours complexes de notre monde (voir La tentation du passé). Il n’a pas fallu longtemps aux Brexiters puis à Trump pour admettre que les promesses de campagne étaient impossibles. Résultat, derrière les effets d’annonce, le Royaume-Uni cherche désespérément un accord de partenariat le plus large possible avec l’Union européenne – qui se soldera certainement par une contribution budgétaire et l’application des règles européennes – pendant que les Etats-Unis redécouvrent l’importance d’avoir des alliés, à commencer par l’OTAN et l’UE.
Le pire n’arrive pas toujours, avais-je écrit il y a peu (voir Pays-Bas et France : le spectre de 2005). Et justement, le spectre de 2005 peut encore être enrayé. A cette élection, les Français ne jouent pas seulement leur destin, mais aussi celui de l’Union européenne. Alors, oui, l’Union européenne est imparfaite et parfois insatisfaisante. Pour autant, faut-il faire table rase de l’existant pour un hypothétique futur ? La réponse est non.
Le repli sur soi ne peut être la solution. Nous avons besoin d’avoir confiance en l’autre. Il faut mettre son espérance dans un vivre-ensemble national entre les individus, et dans un vivre-ensemble européen entre les peuples.
Et dans cette perspective, la France peut non seulement avoir toute sa place, mais être à l’avant-garde, comme le 9 mai 1950 lorsque Robert Schumann proposa un projet inédit de partenariat entre la France et l’Allemagne. C’est en donnant l’exemple d’une coopération unique entre Etats que la France pèse aujourd’hui, que nos voisins sont devenus nos plus proches alliés.
L’avenir de notre pays ne peut se construire qu’ensemble, pas à huis clos dans nos frontières, ni par opposition avec les pays qui nous entourent. Ne tournons pas le dos au futur, mais regardons le en face pour l’affronter. La peur n’est jamais bonne conseillère.
PS : Souvenir de 2002 – D. Saez, Fils de France
Voir aussi Drôle de campagne : haro sur les abstentionnistes ?, Election 2017 : un parfum d’étrange défaite et Elections 2017 : une France ingouvernable ?.
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