(Hôtel de Lassay – Assemblée nationale – Paris, France – 2017)
On l’oublie souvent, mais l’élection la plus importante en France n’est pas l’élection présidentielle – ce qui n’en fait pas une raison, pour se dispenser d’un tête-à-tête avec l’isoloir les dimanches 23 avril et 7 mai.
Certes, cette élection catalyse les énergies, électrice les foules, oppose les ambitions et attire à elle toute la lumière.
Pourtant, comme le relevait le constitutionnaliste Guy Carcassonne, « l’élection présidentielle n’offre à celui qui la gagne que des possibilités ; seule la victoire aux élections législatives donne le pouvoir » . C’est donc la majorité parlementaire qui donne son blanc seing à l’action du Président. Sans concordance entre Président et Parlement, ce n’est plus le premier qui prime, c’est le second à travers la mise en place d’un gouvernement de sa couleur politique. Ainsi, dans ce cas de figure, le Président se retrouve relégué au niveau international, pendant que la scène interne est dirigée par un Gouvernement issu de la majorité parlementaire. Ces épisodes où Parlement et Président divergent ont été qualifiés de cohabitation (trois périodes : 1986-1988, 1993-1995, 1997-2002).
C’est justement face à la multiplication de ces situations politiquement complexes dont les dirigeants avaient une sainte horreur et que les Français reproduisaient avec une certaine délectation qu’une réforme du calendrier électoral fut entérinée en 2002 afin de donner à la France une concordance politique entre Président et Parlement. Concordance renforcée par la réforme constitutionnelle de 2000 réduisant le mandat présidentiel à 5 ans.
Avec ce nouveau calendrier, l’élection présidentielle vient donc en premier et donne souvent le « la », pesant de tout son poids sur les élections qui suivent. Ainsi, depuis 2002, après avoir choisi leur président, les Français lui ont systématiquement accordé une majorité parlementaire. Si la chose peut sembler logique, il n’en est pourtant rien. En 2012, pour les élections présidentielles, François Hollande a bénéficié de l’opposition suscitée par Nicolas Sarkozy, plus que d’une éventuelle adhésion à son programme. Dès lors, un retour à droite lors des élections législatives était envisageable. Or, la « vague » rose s’est amplifiée à cette occasion. Aujourd’hui, la tendance semble se confirmer avec une vague « République en Marche » alors même qu’il y a six mois, la victoire semblait promise à la droite. Faut-il aussi rappeler que le parti En Marche a à peine un an d’existence et que beaucoup de ses candidats étaient jusqu’alors d’illustres inconnus ?
Ainsi, plus que la réforme constitutionnelle de 1962 permettant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, c’est bien l’inversion du calendrier électoral qui a ancré définitivement la Ve République dans le présidentialisme. Continuité logique d’une Constitution et d’une pratique toujours pensées pour faciliter l’action de l’exécution et la direction de l’Etat (voir Une nouvelle République : encore ? pour l’aspect général, et Le recours à l’article 49 alinéa 3, déni de démocratie ? et XVe Législature : l’été des ordonnances ?pour les cas particuliers). Mais, continuité surtout d’un régime censé mettre en place un monarque républicain, auquel les Français, assez légitimistes, offrent au départ un blanc-seing pour réaliser son action. A charge pour lui de la conduire et de produire des résultats tangibles, sous peine d’être défait dans 5 ans par ce même peuple.
Dans cette mission, il restera à découvrir si cet ensemble hétéroclite de parlementaires arrivera à être solidaire dans l’exercice du pouvoir. En effet, malgré leur étiquette commune, il est plus qu’envisageable que les habitudes politiques reprennent le dessus et que la majorité parlementaire se divise sur de nombreux sujets, notamment l’extension de la procréation médicalement assistée. Après tout, même une majorité de gauche est arrivée à ne pas être unie (2012-2017). Comment ne pas penser déjà aux relations électriques entre le MoDem et En Marche ?
Le triomphe aux élections n’est pas forcément synonyme de lendemains qui chantent. Il n’y a qu’à voir comment le Parti socialiste est passé de la mainmise totale sur les leviers de l’Etat à un effondrement complet (voir Parti socialiste : l’heure du glas ?) . Les futurs élus sont prévenus.
Europe – the final countdown : https://www.youtube.com/watch?v=9jK-NcRmVcw
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