La droite et l’Europe : une question de souveraineté ?

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(Hôtel de Matignon – Paris, France – 2012)

Après avoir traité les rapports ambivalents de la gauche avec le projet européen (La gauche française et l’Europe : une histoire de plan B), il parait utile d’envisager l’autre côté du spectre politique, la droite.

Si la gauche de tradition plutôt internationaliste – a fortiori, européenne – ne pouvait qu’approuver l’objectif des traités européens, l’établissement d’une « union sans cesse plus étroite entre les peuples européens », elle ne se retrouvait pas dans la méthode : commencer par l’économie pour arriver à la politique.

La droite, ou au moins une partie d’entre elle, s’est retrouvée dans le positionnement inverse : adhérer à la méthode tout en s’opposant à l’objectif final.

Néanmoins, la droite comme la gauche n’a jamais eu une position univoque sur une question aussi fondamentale, et a toujours été partagée entre diverses lignes de fracture.

Historiquement, deux courants de droite ont bâti cette construction européenne, les chrétiens-démocrates et les libéraux.

Les premiers, rejoignant en cela la gauche, voyaient dans le projet européen la perspective définitive d’enterrer la guerre entre frères européens. Après tout, d’après la religion chrétienne, influence non-négligeable ici, nous sommes tous frères. Ce courant fut d’ailleurs assez bien structuré au niveau européen, la droite « forte » s’étant principalement abîmée avec la deuxième guerre mondiale, choisissant souvent le fascisme. Les libéraux, quant à eux, trouvaient dans l’Europe un bon moyen de mettre en place des législations favorables au commerce, et de passer outre les Etats, jugés trop interventionnistes.

Pourtant, à leur côté, un troisième courant a toujours tenté de remodeler la construction européenne à son image. A cet égard, le rejet par le Parlement français de la Communauté européenne de défense en 1954 (voir Traité de Rome : sexagénaire Europe)  a certainement constitué l’acmé de leur action. Cet événement fut d’ailleurs l’occasion d’une rencontre fortuite entre gaullistes et communistes, l’alliance admirable et éphémère des choux et des carottes.

Outre les différents épisodes de la Présidence gaullienne (voir De Gaulle, un anti-européen ?) , la question de la souveraineté à droite a resurgi avec force au détour des années 1990. En effet, à cette époque, l’Europe a commencé à s’envisager un avenir politique. Ce n’est donc pas un hasard si le contradicteur télévisuel de François Mitterrand dans le débat sur le Traité de Maastricht, se retrouve être un homme de droite, Philippe Séguin.

Néanmoins, la victoire du « oui » en 1992 a semblé condamner cette orientation. D’autant que 10 ans plus tard, la création d’un grand parti de droite et de centre, l’UMP, paraissait faire définitivement pencher la balance du côté européen.

Or, c’est à ce moment que les défections ont commencé et qu’a essaimé toute une galaxie de partis souverainistes à droite : le Mouvement pour la France de Philippe De Villiers, l’Union Populaire Républicaine de François Asselineau ou le Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan. En parallèle, la montée en puissance de Marine Le Pen au Front national a fait de la question de la souveraineté un enjeu primordial pour son parti, agrégeant ainsi à elle des souverainistes de gauche comme Florian Philippot.

Cette souveraineté de paillettes, prenant généralement exemple sur les « réussites » de la Suisse ou de la Norvège, pourtant liés à l’Union européenne dans la quasi totalité des domaines,  se retrouve décrit comme un absolu historique et intangible, à rebours de la réalité que connaissent aujourd’hui les pays (voir La Suisse ou l’illusion de la souveraineté).

Ce souverainisme se retrouve plus discrètement dans la défiance prononcée d’une partie de la droite à l’égard des institutions supranationales. Ainsi, François Fillon, veut renforcer le pouvoir du Conseil européen au détriment de celui de la Commission. Une erreur lourde de conséquences pour l’avenir (voir Pourquoi des institutions supranationales dans l’Union Européenne ?). Cette proposition n’est qu’un artifice de façade alors que le Conseil européen détient déjà l’essentiel du pouvoir en Europe. Et c’est d’ailleurs là un souci récurrent pour le bon fonctionnement de l’Union européenne et sa nécessaire démocratisation.

A cette question de la souveraineté s’est greffée plus récemment la problématique de l’identité française, qui serait menacée par les décisions prises au niveau européen.

Évidemment, qu’importe ici que les attaques contre « Bruxelles » ne renvoient à aucune réalité tangible, elles participent à la description d’un fantasme permanent, l’intervention d’une entité étrangère et diffuse qui en voudrait au particularisme français (voir Bruxelles : qui se cache derrière ?).

Pourtant, loin d’être le fossoyeur d’une « identité française », l’Union européenne est le porte-voix des marqueurs français, aussi bien pour défendre l’exception culturelle que les appellations protégées.
Être souverain au XXIe siècle dans un monde globalisé ne peut passer que par l’appartenance à une entité plus importante à même de protéger et porter les spécificités de ses membres au niveau international. La souveraineté est partagée, ou n’existe plus.


Pour rappel, un bilan des programmes des candidats sur l’Europe à l’élection présidentielle de 2017 est disponible là : Election présidentielle : l’Europe, combien de divisions ?

Vous pouvez retrouver toute une série de billets consacrés à l’élection de 2017 ici.

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