(Palais de l’Elysée, Paris – Journées du Patrimoine 2011)
A l’aune de la campagne présidentielle, un lecteur de ce blog a suggéré un examen des propositions sur l’Europe des candidats à la magistrature suprême .
L’idée plutôt séduisante a nécessité de parcourir 11 programmes, traitant variablement de l’Europe.
Forcément, un tel examen n’est ni exhaustif ni complet. Il passe sous silence de nombreux champs de politiques publiques, pourtant parfois essentiels et d’ailleurs traités sur ces pages (les libertés publiques, les réformes institutionnelles, etc).
Ce décryptage a été réalisé à partir des projets affichés des différents candidats sur leur site de campagne. Matériellement, il m’était impossible de parcourir l’ensemble des déclarations faites dans la presse par les prétendants à l’élection présidentielle. De toute façon, la mention ou non de l’Europe et le développement de propositions précises sont révélateurs de la considération du candidat à ce propos.
L’analyse sera divisée en trois parties : les candidats désintéressés, les candidats hostiles et les candidats partisans de l’Europe.
Un constat liminaire ressort d’emblée : on n’a jamais autant parlé d’Europe. Mais, on n’en jamais aussi mal parlé. Cela témoigne certes de la centralité reconnue aujourd’hui par cette question, mais aussi des incompréhensions et oppositions qu’elle continue de provoquer.
Pourtant, cette élection déterminera pour beaucoup l’avenir du projet européen (voir Pays-Bas et France : le spectre de 2005).
¤ Des candidats désintéressés par l’Europe ?
Tout d’abord, il convient de placer Nathalie Artaud à l’écart de la question européenne. En effet, l’ensemble de son programme est axé sur la défense des travailleurs et ouvriers. Son programme indique d’ailleurs explicitement que le problème n’est pas l’Union européenne. Dès lors, point question d’Europe ici.
De même, Philippe Poutou a un programme ambivalent sur l’Europe puisque là aussi, son projet est dirigé essentiellement sur la question des travailleurs. L’Europe n’est traitée qu’à travers ce prisme. Si on apprend qu’il faut changer d’Europe, on sait seulement que Philippe Poutou appelle à une Europe des travailleurs.
Quant à Jean Lassalle, son programme européen est réduit à deux paragraphes qui évoquent plus un état actuel qu’une quelconque proposition dans ce domaine. Assez étonnant de la part d’un candidat jusqu’alors centriste et plutôt proeuropéen.
Certes, ces trois candidats se montrent très réticents à l’égard de la construction européenne actuelle. Mais, aucun n’en fait pour autant le cœur de son programme, ni même un segment clair de son projet.
¤ Des candidats hostiles à l’Europe :
Un bref paragraphe traitera des « contre » tout (l’UE, l’euro, Schengen, l’OTAN, la politique agricole commune). Cette présidentielle voit d’ailleurs pas moins de 4 candidats farouchement opposés à l’Europe : François Asselineau, Jacques Cheminade, Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen (voir La tentation du passé). Les dérivatifs comme « Europe des nations » ne doivent pas tromper sur la réalité de leur projet. Le premier fait d’ailleurs de l’Europe l’alpha et l’omega de sa politique, les trois autres axent une grande partie de leur programme sur ce sujet. Seul débat entre ces différents protagonistes : la sortie de l’Union européenne et de l’euro se fera avec ou sans négociations entre les Etats membres, et avec ou sans référendum. L’ensemble de ces programmes s’inscrit d’ailleurs dans une référence permanente au Général de Gaulle, alors même que son positionnement sur l’Europe fut beaucoup plus ambigu (voir De Gaulle, un anti-européen ?).
Mention spéciale à Jacques Cheminade qui figure en parallèle parmi les plus grands partisans d’Erasmus. C’est seulement un candidat « contre-presque-tout ».
¤ Des candidats proeuropéens ?
Reste à voir les candidats « pour » l’Europe : Emmanuel Macron, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon.
Et c’est ici que les divergences font se faire les plus précises. Car dans l’Europe, il y a davantage de tonalité que dans un arc-en-ciel.
Commençons par Jean-Luc Mélenchon. En effet, ce candidat a une position iconoclaste puisqu’il ne peut définitivement pas être rangé avec les antieuropéens que sont les 4 précités, mais il ne peut être associé aux 3 candidats qui suivront.
Il veut une Europe, mais une autre Europe, celle d’un plan B (voir La gauche française et l’Europe : une histoire de plan B). Ici, l’Europe doit changer, selon ses vœux. Inutile de dire que l’avis des 26 ou 27 Etats ne comptent tout simplement pas. Ce sera comme il veut, ou cela ne sera pas. Plus certainement, cela ne se fera pas, avec risque de pertes et de fracas.
Ce caractère extrémiste place pour certains analystes ce candidat dans la liste des antieuropéens. Cette impression est renforcée par le fait que Jean-Luc Mélenchon est résolument hostile à toute politique de défense européenne, indépendamment ou non de la question de l’OTAN.
Néanmoins, à l’inverse des candidats antieuropéens traditionnels, Jean-Luc Mélenchon défend une certaine idée de l’Europe. Et ce comportement mérite d’être souligné à l’heure où certains ne pensent qu’à sortir de l’Europe sans autre perspective.
D’ailleurs, Jean-Luc Mélenchon ne propose pas la fin de la politique agricole commune, mais un virage écologique de cette politique à l’instar de Benoît Hamon et d’Emmanuel Macron. Preuve que sur certains points, les idées entre ces trois candidats peuvent être proches.
Justement, entre les trois autres candidats, les différences s’atténuent. On peut toutefois noter que François Fillon plaide pour une mainmise des Etats dans le processus décisionnel – ce qu’ils ont déjà – et un renforcement de Schengen – avec une mesure déjà existante -. Ces deux aspects sont au coeur de l’Europe portée par le candidat de la droite (voir La droite et l’Europe : une question de souveraineté ?).
Entre Benoît Hamon et Emmanuel Macron, l’Europe est un point de convergence. A ceci près que le premier fait d’une réorientation de l’Europe son credo, notamment pour la zone euro, à l’instar de ce qu’avait annoncé François Hollande lors de son élection. A l’inverse, le second privilégie la question de l’approfondissement de la zone euro, comme François Fillon, qui devrait aller de pair avec une intégration budgétaire plus poussée.
Ci-joint un tableau récapitulatif des différentes positions :
¤ Nota Bene :
Colonne 1 – Présence de l’Europe dans le Programme : 9 OUI, 2 mentions assez floues
Colonne 2 – Clarté du programme sur l’Europe : 7 OUI, 4 MOYEN
Colonne 3 – Acceptation de l’UE actuelle : Personne ne se prononce pour le système actuel. Néanmoins, 3 candidats ne demandent pas un renversement complet (MOYEN).
Colonne 4 – Acceptation d’une UE réformée : 4 candidats ne veulent tout simplement pas du projet européen.
Colonnes 5 et 6 : Sous-questions par rapport à la colonne 4. En effet, il s’agit de savoir d’une part, si le passage à une Union réformée ou à la suppression se fera suite à un appel au peuple et d’autre part, si cette proposition sera précédée de négociations entre Etats.
Colonnes 7 à 12 : Examen de 5 politiques emblématiques de l’Union européenne.
Sur ce sujet, voir aussi les articles des deux chaînes parlementaires (LCP et Public Sénat)
¤ https://www.publicsenat.fr/article/politique/europe-ce-que-proposent-les-candidats-a-la-presidentielle-57345
¤ http://www.lcp.fr/la-politique-en-video/quelle-vision-de-lunion-europeenne-des-candidats-la-presidentielle
Par ailleurs, l’Institut français des relations internationales (IFRI) a réalisé un panorama plus complet des propositions sur l’Europe des cinq principaux candidats à la Présidentielle (page 64) :
¤ https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ifri_agenda_diplomatique_nouveau_president_2017.pdf
Voir aussi sur un thème voisin : L’Europe, et maintenant les idées ?.
Par ailleurs, vous pouvez retrouver les enjeux de la campagne présidentielle ici.
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