(Retour de cavalerie – Londres, Royaume-Uni, 2013)
Plus de neuf mois après la votation en faveur du Brexit, la procédure de retrait de l’Union européenne devrait être activée aujourd’hui par le Royaume-Uni.
Jusqu’alors, pour parodier la phrase du philosophe Joseph de Maistres « si le Brexit existe, c’est bien à notre insu ». Le début des négociations devrait permettre de concrétiser un peu cette perspective encore lointaine, et commencer à éclaircir les objectifs de Theresa May (voir En avant pour le “flou” Brexit).
Pour rappel, une fois notifié, le Royaume-Uni disposera de deux ans pour parvenir à la fois à un compromis de sortie (sort des fonctionnaires britanniques, compensations budgétaires, etc…) et à un accord de partenariat (libre-circulation ou non, participation à certains programmes, etc…).
Ce délai est impératif. A moins d’un consensus au sein du Conseil, c’est-à-dire les 27 Etats membres plus le Royaume-Uni, le Royaume-Uni sera automatiquement sorti de l’Union européenne même en l’absence d’accord au bout de deux ans.
Ces contraintes de temps expliquent en partie pourquoi le Royaume-Uni a pris son temps avant de procéder au retrait. A cela, il faut ajouter les nombreuses difficultés internes qu’a rencontré Theresa May (voir Brexit : le chemin de croix de Theresa May et Brexit ou l’impossible unité ?).
Durant ce délai, le Royaume-Uni restera un membre de l’Union européenne comme les autres, c’est-à-dire qu’il devra payer une contribution financière et appliquer les règles existantes. A cet égard, la possibilité d’ouvrir déjà des négociations commerciales avec des Etats tiers soulève de nombreuses questions juridiques, qui pourraient compliquer l’après-Brexit puisque le Royaume-Uni se retrouverait sans accord.
Au demeurant, durant les négociations, les résultats économiques du Royaume-Uni devront s’analyser dans une double perspective : au présent, comme membre de l’Union européenne, et au futur, comme Etat solitaire. Dès lors, de bons chiffres sur l’emploi et la croissance ne seront pas à court terme pertinents, puisque le Royaume-Uni bénéficie depuis 2013 d’une orientation positive, sans que celle-ci ne soit une incidence du Brexit. A l’inverse, d’éventuels décrochages répétés dans ces deux domaines pourraient donner un aperçu des difficultés économiques auxquelles le Royaume-Uni sera confronté une fois sorti du marché intérieur.
Il sera aussi intéressant de voir si le Royaume-Uni quittera l’Union européenne en un seul morceau, ou si certaines parties se désolidariseront pour privilégier le continent au grand large (voir notamment L’Ecosse, une indépendance pour l’Union ?).
Pour certains Brexiters et leurs partenaires populistes en Europe, le Brexit devait marquer la fin de l’Union européenne. En à peine neuf mois, c’est pourtant le Royaume-Uni qui apparaît le plus proche de la rupture interne, rupture à la fois politique et territoriale, entre les partisans de l’Union européenne et ses contempteurs, comme l’ont rappelé la grande manifestation à Londres le 25 mars 2017 ou les unes assassines de la presse à scandale après la décision de la High Court. D’ailleurs, les Johnson et Farage ont finit par se faire extrêmement discrets (voir Qu’arrive-t-il au camp du Brexit ?)
Depuis le 23 juin, le Royaume-Uni ne vit que sous le rythme des conséquences du Brexit. Les prochains jours devraient d’ailleurs être consacrés à l’hypothèse d’un deuxième référendum en Ecosse et au projet de loi pour remplacer la législation de l’Union par des normes nationales. Cet épisode devrait illustrer une fois encore l’importance d’avoir des règles communes dans un marché intérieur. Il sera intéressant de voir si le Royaume-Uni s’en détache ou les reprend pour l’essentiel.
Et encore, l’édifice du Brexit reste à examiner au conditionnel. De nombreux autres facteurs peuvent venir contrarier la marche à suivre : élections législatives anticipées, perte de la majorité à la Chambre des communes, retournement économique, … Justement, le 18 avril, Theresa May a annoncé des élections législatives pour juin afin de trouver une majorité stable pour soutenir sa stratégie.
En attendant, l’Europe elle a d’autres préoccupations à traiter. A cet égard, la déclaration adoptée par les 27 Etats à Rome le 25 Mars, jour anniversaire du Traité de Rome de 1957, évoque les « défis sans précédent » auxquels l’Europe est confrontée, reléguant le Brexit à un sujet parmi d’autres. Ce traitement détaché est certainement la meilleure réponse à apporter.
Ces deux ans de négociation seront, à n’en pas douter, une épreuve pour l’Europe, même si le Brexit pourrait finalement s’avérer favorable à long terme (voir Brexit : une bonne chose pour l’Europe ?) . Aux Européens de surmonter l’épreuve pour n’en faire qu’un « simple accident de parcours » et non une « étape du déclin » selon l’alternative proposée par le politologue Raymond Aron dans Plaidoyer pour l’Europe décadente.
Après tout, comme le dit le proverbe, « on peut couper une fleur, on n’arrête pas le printemps ».
Sur le Brexit, voir aussi les derniers billets :
– Le labyrinthe du Brexit : par où la sortie ? : la situation du Royaume-Uni deux ans après le vote ;
– Brexit : le revers de la médaille ? : la situation de l’Union européenne deux ans après le vote.
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Au niveau britannique, il se peut que la sortie du Royaume-Uni de l’Union conduise cet État à se désunir et à cela que peut-on dire sinon « whatever will be will be ». Au niveau continental, il faut que cela marque la transformation de l’Union européenne en véritable Europe unie « et loin des beaux discours, des grandes théories » celle-ci devra changer la vie.
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