La méthode Trump à l’épreuve

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(Dessin – @annegaellon sur Twitter)

Plus d’un mois après son entrée en fonction, Donald Trump est suffisamment actif pour tirer un premier bilan de son action présidentielle.

Pour le moment, force est de constater qu’entre le candidat et le président, les différences sont minimes. Le second reprend pour l’essentiel les méthodes du premier, avec toujours le même succès auprès de ses thuriféraires et toujours les mêmes critiques de ses contempteurs, hystérisant le champ politique , jusqu’à parfois nier les faits sur lesquels repose le débat public. En effet, pour reprendre la sentence du politologue Raymond Aron à propos du magistrat Vychinski, procureur au cours des procès de Moscou, « comment discuter avec un homme qui déclare gravement qu’il fait nuit en plein jour ? »  (Brain Dead ou le néant de la politique).

Dans un exercice inédit de transparence de l’action présidentielle – accessible à tous, sans aucun filtre diplomatique, via les réseaux sociaux -, la méthode Trump se caractérise par une sémantique forte, des action symboliques et des agressions verbales.

Cette nouvelle tournure prise n’est pas seulement le fait de Donald Trump, mais de toute son équipe, qui appuie et soutient ses diverses envolées, ne s’embarrassant pas d’un quelconque verni diplomatique.

A court terme, il est possible que cette marque de fabrique puisse permettre d’obtenir des résultats rapides et marquants sur la scène internationale. En effet, les dirigeants chinois et russe apprécient plutôt l’idée de rapports directs, surtout dépassionnés de la question de la démocratie et des droits de l’homme. Ces deux pays, pour des raisons différentes, l’un étant une puissance en devenir, l’autre un empire sur le déclin, aiment l’idée de parler en tête-à-tête entre très grandes puissances, sans se soucier des pays moyens.

Forcément, une telle méthode ne peut que nuire a priori aux puissances qui ont privilégié la coopération ou le droit sur les rapports de force. Si l’Union n’est pas la seule à subir le style de Donald Trump, elle est frappée pour l’instant par l’éclatement de sa représentation : un Président du Conseil européen, une Présidence tournante, un Président de la Commission européenne, auxquels il faut ajouter les 28 capitales, chacune désireuse d’apparaître dans les lumières de la scène internationale (voir Europe : une puissance internationale ?)

Evidemment, d’autres pays font les frais de cet acharnement. Sa première cible reste sans conteste, le Mexique.

Or, il se pourrait que la grande promesse de Donald Trump, la construction d’un mur financé par le Mexique, se concrétise. En effet, le Mexique est extrêmement dépendant des exportations vers les Etats-Unis. Malgré les remontrances initiales, le pays sera peut-être contraint de céder sur ce symbole populiste pour préserver ses entrées économiques au Nord.

Pour autant, les Etats-Unis semblent aujourd’hui naviguer à vue. Privé de tout cap, Donald Trump est une véritable girouette des relations internationales, suscitant un doute global quant à ses réelles orientations. Par exemple, l’Union européenne est passée d’une entité à faire disparaître à une chose »merveilleuse ».

Cette diplomatie fluctuante au gré des jours risque d’être confrontée à la réalité du monde contemporain. Les Etats-Unis ne sont plus l’hyperpuissance du monde, ils sont « seulement » la première puissance d’un monde désormais multipolaire. Les Etats-Unis auront besoin d’alliés, et pour cela, devront se comporter en partenaire fiable.

En parallèle, au niveau interne, l’action de Trump est plus symbolique, avec déjà de nombreuses nominations controversées eu égard aux états de service des intéressés. Plus inquiétant, face aux oppositions qu’il suscite, Trump continue de provoquer et d’attaquer les contre-pouvoirs : la presse, les juges, …. Tous sont tour à tour mis sur le banc des accusés de la scène médiatique. Ils empêcheraient de faire ce que le peuple veut. La Constitution et l’état de droit deviennent des « arguties juridiques », les juges sont des « emmerdeurs », la presse diffuse des « fake news ». C’est leur prêter un pouvoir bien plus imposant qu’ils en ont. Ils ne sont que des digues minimales qui retiennent un flot soudain d’inepties. Néanmoins, ils paraissent insuffisants pour faire face au torrent de propositions et de contre-vérités formulées en permanence par Donald Trump.

Donald Trump est très fort pour allumer des incendies partout : il pourrait toutefois être facilement dépassé par l’ampleur des feux qu’il engendre.

Il ne peut ouvrir des fronts avec tout le monde, en même temps. Ce qui fait sa force pourrait aussi causer sa perte.


Sur ce thème, voir Donald Trump est-il un personnage de fiction ?Iran et Israël : Trump et la politique de la terre brûléeTrump : une chance pour l’Europe ?

8 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Régis dit :

    Article intéressant, merci.
    Cependant, un détail : je ne connaissais pas avant la lecture le mot « thuriféraire ». En cherchant sa signification, il me semble antonyme du terme détracteur qui semble davantage approprié dans ce contexte, puisque vous associez les thuriféraires à ceux qui condamnent l’action de Trump. D’après le Larousse (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/thurif%C3%A9raire/77963), thuriféraire semble au contraire une hyperbole du partisan auquel vous l’opposez.

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    1. Nicolas dit :

      Effectivement. Mea culpa.
      Je vous remercie pour le signalement de cette erreur.

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