La Politique agricole commune : stop ou encore ?

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(Plafond de l’Hôtel de Ville, Paris – 2014)

Régulièrement – pour ne pas dire, continuellement -, la politique agricole commune est mise en accusation par de nombreux responsables, particulièrement à droite. Ces critiques devraient logiquement atteindre leur paroxysme au prochain Salon de l’Agriculture à Paris qui s’ouvre le 25 février. En effet, à les écouter, la PAC serait responsable de la situation parfois dramatique des agriculteurs français.

Alors que la PAC représente 40% des dépenses annuelles du budget de l’Union, les agriculteurs se trouvent être la catégorie socioprofessionnelle la plus antieuropéenne.

Il ne s’agit pas de considérer que l’Europe ne devrait financer que les catégories qui lui sont favorables. Mais, cet écart extrême ne peut qu’interroger sur la pertinence de cette politique.

Après tout, la PAC a permis à la France de devenir le quatrième exportateur mondial de denrées agricoles. Elle a aussi financé durant de nombreuses années les associations d’aide (Restos du Coeur, Secours catholique, …) à travers le reversement des surplus alimentaires (Programme européenne d’aide aux plus démunis).

Comment alors expliquer le malaise ?

La France a longtemps été le grand bénéficiaire de cette politique. Pour rappel, au moment de l’Europe des six (Luxembourg, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, France), elle apparaissait comme le territoire le plus agricole.

Depuis le départ de la construction européenne, l’agriculture a d’ailleurs constitué un enjeu fondamental pour la France. Au cours des négociations du Traité de Rome sur la Communauté économique européenne – adopté en 1957 -, la France a ainsi négocié avec l’Allemagne l’inclusion de la politique de concurrence en échange de l’établissement d’une politique agricole commune. Moins de dix ans après, c’est autour d’une réforme de la PAC proposée par la Commission européenne que la France du Général de Gaulle a boycotté six mois durant les institutions européennes (la fameuse “crise de la chaise vide”).

Néanmoins, cette place prépondérante accordée à la PAC est loin de faire consensus parmi les Etats membres.

Dès 1984, Margaret Thatcher, premier ministre britannique, demandait un rabais de sa participation au budget européen (le fameux “I want my money back”). Cette demande était à l’époque loin d’être infondée puisque le budget était majoritairement destiné à l’agriculture, sur laquelle le Royaume-Uni n’avait que de faibles retours.

Au fil du temps, de plus en plus d’Etats ont souhaité revoir les modalités de cette politique, extrêmement gourmande en financements européens. Ce n’est qu’après de longues résistances, que la France a accepté de relatives concessions.

Aujourd’hui, au niveau européen, la PAC bénéficie d’une meilleure image, en raison de sa diminution progressive dans le budget européen, mais aussi d’une répartition plus juste entre Etats européens.

Toutefois, cette nouvelle répartition a contribué au malaise français. En effet, d’une part, l’arrivée de nouveaux Etats souvent plus pauvres a nécessité d’orienter une partie des financements pour les aider à développer leur agriculture. Particulièrement, l’entrée de l’Espagne dans la Communauté a suscité la colère des agriculteurs français, conduisant à des blocages répétés des routes entre ces deux pays. La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour de justice pour avoir fermé les yeux sur des entraves à la libre circulation des marchandises (CJUE, 1997, Commission c/ France, Affaire des “fraises espagnoles”). D’autre part, les Etats les plus avancés (Pays-Bas, Allemagne et Royaume-Uni en tête) ont aussi mis l’accent sur l’agriculture, privilégiant une approche intensive.

Face à cette concurrence à bas coût ou technologique, l’agriculture française s’est retrouvée prise entre deux feux. En réalité, cette situation difficile doit plus à l’absence de réforme en France de ce milieu, choyé depuis des années par les politiques, comme le montre le passage annuel obligé au Salon de l’Agriculture.

Et c’est le métier même d’agriculteur qui est aujourd’hui interrogé. Celui-ci ne doit plus s’organiser dans une logique productive, mais aussi dans un souci accru de son environnement. Une bonne partie des aides européennes est d’ailleurs réorientée en ce sens.

En parallèle, les nouveaux défis ne manquent pas : l’écologie, la fin des quotas (particulièrement dans le secteur du lait), l’ouverture à de nouveaux marchés internationaux (notamment dans les pays émergents), la robotisation, les crises sanitaires (crise de la « vache folle », grippe aviaire…), la défense des indications géographiques protégées et les nouvelles technologies.

Face à ces défis, il n’est pas possible de se limiter aux images d’Epinal de l’agriculteur gérant seul sa petite exploitation, il faut plutôt tâcher d’organiser l’agriculture de demain.

Si des adaptations seront nécessaires (verdissement accentué, souplesse des règlementations, équilibrage des rapports distributeurs/producteurs), la PAC demeure encore la meilleure solution pour accompagner ces évolutions. Elle n’est pas l’adversaire des agriculteurs, mais un allié sur lequel il faut s’appuyer.

Pour aller plus loin : voir la note récente de la Fondation Robert Schuman – Redonner du sens de la PAC


PS : La conclusion du CETA a donné lieu à quelques contre-vérités sur l’impact de ce traité pour l’agriculture, expliquées dans CETA : incompréhension durable

Intéressé(e) par l’Europe ? Vous pourrez retrouver une sélection d’articles sur les politiques européennes .

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