Populismes : la tentation du passé

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(Décorations de Noël – Cancun, Mexique, 2014)

Royaume-Uni : Brexit le 23 juin 2016. Etats-Unis : Trump élu président le 8 novembre 2016. France : Marine Le Pen élue présidente le 7 mai 2017 ?

Il est assez intéressant que dans ces trois pays, trois anciens Empires, deux au sens propre, un au figuré, une posture extrémiste arrive ou puisse arriver en tête.

En effet, le Royaume-Uni et la France ont été respectivement à la tête de nombreuses colonies, respectivement aux première et deuxième places. Depuis l’enlisement de l’URSS en Afghanistan, les Etats-Unis ont occupé la quasi-totalité de la scène internationale, au point d’être qualifiés par Hubert Védrine, ancien ministre des affaires étrangères d’ « hyperpuissance ».

Derrière ces trois cas de figure, se discerne la difficulté commune à faire le deuil d’un passé glorieux, ce « passé qui ne passe pas » pour reprendre l’expression de l’historien Henry Rousso.

Quels sont justement les discours prononcés aujourd’hui par les Brexiters et Donald Trump ? « Global Britain » pour les premiers, « America first » pour le second.

Comme si le monde n’avait jamais changé. Le Royaume-Uni semble s’imaginer au XIXe siècle lorsqu’il dominait les mers et était la première puissance mondiale. Les Etats-Unis n’ont toujours pas fait le deuil de l’émergence de l’Union européenne et de la Chine comme puissances économiques, de la Russie et de la Chine comme puissances politiques. Résultat, vexés de ce monde multilatéral, ils n’imaginent comme avenir qu’un retour en arrière dans l’isolationnisme le plus total.

Mais, la France n’échappe pas au délire. Face à un futur qui semble menaçant, le passé apparaît comme un échappatoire.

De nombreux candidats, y compris à gauche, invoquent la nostalgie d’une époque de prospérité économique et de reconnaissance internationale.

Les Trente Glorieuses, période aujourd’hui idéalisée, étaient dues à l’ouverture des échanges entre pays européens sous la bienveillance et l’appui américains. Cruelle ironie d’entendre aujourd’hui certains candidats plaider pour sortir de l’Europe et de l’OTAN.

Quant à la place de la France dans le monde, elle date d’un autre temps. Il y avait bien la stature de l’homme qui présidait alors aux destinées de la France. Il y avait plus sûrement la situation favorable à la France qui pouvait compter sur l’appui de nombreux pays indéfectiblement liés (une bonne partie de l’Afrique – le début de la « Françafrique ») et sur l’état du monde alors, divisé en deux blocs que tout opposait, favorisant toute voie dissidente.

Cela n’a pas empêché la « grande » France de reculer à Suez en 1956 et en Algérie en 1962. Notre opposition bienvenue à la Guerre en Irak en 2003 a certes permis à Dominique de Villepin des élans lyriques appréciables mais n’a pas pesé sur les événements. Les Etats-Unis, comme le reste de la coalition constituée, sont passés outre.

Justement, Charles de Gaulle, déjà, rappelait qu' »il est tout à fait naturel que l’on ressente la nostalgie de ce qui était l’empire, comme on peut regretter la douceur des lampes à huile, la splendeur de la marine à voile, le charme du temps des équipages. Mais quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités ». Aujourd’hui, la France est une puissance parmi d’autres. Si elle veut réellement exister sur la scène internationale, elle ne peut qu’envisager son avenir dans un ensemble plus grand. Certainement, de Gaulle, à notre époque, n’aurait pas dit autre chose (voir Election présidentielle 2017 : tous gaullistes ?).

Déjà, le Royaume-Uni dans les années 1950 savait la difficulté qu’il y avait à faire cavalier seul. Face à la Communauté européenne émergente, il avait mis en place une contre-organisation, l’Association européenne de libre-échange (AELE). Faute toutefois d’avoir donné de réels pouvoirs aux institutions de l’AELE, ce concurrent a fini par être écrasé par la Communauté. C’est pourquoi, l’AELE a été abandonnée dès 1972 par le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark, et en 1995 par la Suède, la Finlande et l’Autriche.

Rêver d’une époque révolue a son charme, mais ne permettra pas de répondre aux défis de demain. Penser une époque à venir est certes plus difficile mais sera certainement plus prometteur sur le long terme.


Sur un thème voisin, voir Politique et mémoires : souvenirs partiaux et oublis partiels ? et Election 2017 : un parfum d’étrange défaite

Sur les autres enjeux des élections de 2017, une sélection d’articles est disponible ici.

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