(Parlement britannique – Londres, 2011)
« Brexit means Brexit ». Cette phrase répétée comme un mantra par Theresa May fut longtemps révélatrice de l’absence de positionnement du Gouvernement britannique. Sur une question aussi fondamentale que l’avenir des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, la Premier ministre renvoyait à une tautologie comme définition.
En effet, en analysant les motivations du vote du Brexit, on retrouvait à la fois ceux qui subissent la mondialisation et ceux qui vivent de la globalisation, ceux qui espèrent davantage de régulation et ceux qui veulent moins de règles. Bref, deux visions opposées, deux fragments extrêmes du spectre électoral. Ce n’était certes pas la première fois que les torchons et les serviettes se mélangent ; mais, généralement, c’est pour le maintien du statu quo. Voilà maintenant qu’il faudrait choisir entre deux visions du Brexit.
A cette première dichotomie, il fallait en ajouter une seconde. Quels liens avec l’Europe ? Hard Brexit ou soft Brexit ? Rupture définitive ou accord intégrateur ? Là encore, le camp du Brexit ne s’était jamais engagé dans un sens ou dans l’autre, risquant sinon de perdre une partie de leurs électeurs.
Justement, Theresa May, Premier ministre britannique, avait décidé de dissiper les doutes en dévoilant une partie de son plan mardi 17 janvier.
Que tirer de ce long discours ? Peu de choses, en réalité. Loin de l’annonce d’un Brexit « clair et net », le Brexit promu par les Anglais a tout pour rester flou.
Certes, Theresa May a évoqué le départ du marché unique. Mais, cette ambition est doublement amendée. D’une part, elle voudrait un accord le plus large possible avec l’Union pour le remplacer. D’autre part, elle souhaiterait, autant que faire se peut, rester dans une simili “Union douanière”.
Tout au long de son discours, derrière la ligne directrice d’un “hard Brexit”, Theresa May a multiplié les annonces de futurs partenariats avec l’Union : un pour l’économie donc, mais aussi un sur la défense, un sur les renseignements. Quel est alors l’intérêt de partir de l’Union si c’est pour retravailler avec elle sur l’ensemble des politiques ? Le symbole certainement ; mais, ça paraît chèrement payé.
D’ailleurs, le ton du discours était particulièrement intéressant. A l’opposé des attaques voire du mépris des Brexiters extrêmes que sont Boris Johnson ou Nigel Farage, Theresa May n’a cessé de se montrer conciliante envers l’Union, et de jouer l’apaisement. Là encore, derrière les postures de façade des uns, on voit bien la réalité. Le Royaume-Uni a plus besoin de l’Union que l’Union n’a besoin du Royaume-Uni.
Ensuite, Theresa May a plaidé en faveur du renforcement des droits des travailleurs. Il est d’ailleurs à noter qu’elle a souligné que la politique sociale britannique était principalement une oeuvre européenne et qu’il s’agirait donc de préserver ces acquis – voir L’Europe sociale : une réalité ?. En parallèle de ce surcroît de protection, elle a plaidé pour une “Global Great Britain”, c’est-à-dire une Grande-Bretagne mondiale, liée par des accords commerciaux avec le reste du monde. Etonnante vision – à croire que le pays se situe encore au XIXe siècle, lorsqu’il était alors la principale nation commerçante du monde.
En attendant, Theresa May s’est engagée à consulter le Parlement britannique et les différentes parties du Royaume-Uni. Elle devra éviter à tout moment une crise institutionnelle avec le premier, une crise politique avec les secondes. Particulièrement, la question écossaise pourrait s’embraser à tout moment durant ces longues négociations.
Au final, Theresa May est loin d’avoir levée le flou qui entoure le Brexit. Mais, ce n’était pas là, il me semble, l’essentiel pour elle. Elle avait surtout besoin d’un peu de répit, alors que la pression des Brexiters ne cesse d’augmenter ; pression qu’une éventuelle question préjudicielle à la Cour de justice par la Supreme Court dans les jours qui viennent ne pourrait qu’amplifier.
Sur ce point, le pari sera très certainement gagné, tant certaines paroles, comme la sortie du marché unique, suffiront à contenter les Brexiters. Pourtant, le discours d’aujourd’hui sera certainement très loin du résultat final des négociations. Ce partenariat d’un genre nouveau entre l’Union et le Royaume-Uni pourrait s’avérer finalement une victoire à la Pyrrhus pour les Britanniques.
Voir l’évolution des discours de Theresa May (Theresa May : 50 nuances de Brexit), qui ont fini par conduire à son éviction (Démission de Theresa May: tout a une fin, sauf le Brexit).
Sur le Brexit, voir les derniers soubresauts :
¤ Le Brexit, c’est maintenant ?
¤ Brexit : les enjeux (Volume 2)
« Theresa May est loin d’avoir levée le flou qui entoure le Brexit. »
avoir levé
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