(Dessin @annegaellon sur Twitter – 2016)
Au moment où l’Organisation des Nations Unies a désigné pour les cinq prochaines années son futur secrétaire général, le Portugais Antonio Guterres, la question de son utilité revient avec insistance. Après tout, l’ONU a dépassé le cap des soixante-dix ans d’exercice, presque une vie d’Homme.
Quel bilan peut-on tirer du fonctionnement de l’Organisation ?
Le bilan est, selon l’optimisme qu’on y met, au mieux décevant, au pire désastreux. Seulement décevant si on s’attache à l’enceinte exceptionnelle que représentent les Nations Unies, capable de faire discuter en leur sein des puissances différentes, voire frontalement opposées sur le terrain. Seulement décevant aussi si on se réfère aux nombreuses résolutions votées par l’Assemblée générale, dont certains font preuve d’une audace remarquable. A cet égard, mention honorable à celle sur la situation de la Palestine, qui pourrait toutefois rejoindre les limbes du droit international avec la désignation du prochain ambassadeur américain.
Bilan désastreux si au-delà des déclarations, on s’intéresse aux actions.
L’ONU a trop souvent peu agi, et lorsqu’elle l’a fait, elle a parfois mal agi.
Tout d’abord, et comment ne pas le mentionner, l’ONU s’avère incapable de trouver une situation au conflit syrien. Pire, en raison des différents vétos de la Chine et de la Russie, l’organisation assiste impuissante au massacre de populations civiles et à la destruction de villes entières. Heureusement, merveille de l’influence de l’Organisation, des observateurs ont été envoyés sur place.
Pour autant, dans cet échec à trouver une solution, le trio Etats-Unis, Royaume-Uni et France a une lourde part de responsabilité. Déjà, les menaces formulées à l’égard de Bachar Al-Assad quant au recours aux armes chimiques n’ont pas été suivies de mesures concrètes lorsque la presse a révélé leur utilisation, favorisant un sentiment de totale impunité pour le régime. Les nouveaux dirigeants dans ces 3 pays semblent d’ailleurs reproduire les erreurs de leurs prédécesseurs. Pire, le précédent libyen a convaincu Russes et Chinois que les Occidentaux étaient incapables de tenir parole. Dans une situation similaire avec la Syrie d’aujourd’hui, Khadafi voulait lancer une opération vengeresse sur Bengazi. Pour éviter ce massacre, les Européens étaient intervenus, soutenus par les Américains, interprétant extensivement le mandat accordé par l’ONU, ce qui a aggravé la paranoïa de la Russie.
Evidemment, le cas syrien n’est que l’un des nombreux échecs de l’organisation, incapable de répondre aux défis internationaux : génocides au Sud-Soudan, au Rwanda et en Serbie, massacres dans de nombreux pays africains, conflit israélo-palestinien.
A côté de ces échecs faute d’intervention efficace, l’ONU s’est parfois caractérisée par de mauvais agissements. Outre les accusations répétées de viols commis par ses soldats, l’ONU fut quand même responsable d’une épidémie de choléra à Haïti.
Evidemment, tout n’est pas de la faute de l’organisation.
Déjà, force est de constater que le maintien des membres permanents au Conseil de sécurité qui disposent toujours d’un droit de véto continue de paralyser le fonctionnement de l’institution. Ainsi, aux vétos américains pour Israël répondent les vétos russes et chinois pour la Syrie et le Soudan. Seuls la France et le Royaume-Uni font aujourd’hui preuve d’une plus grande retenue dans l’utilisation de cette arme exceptionnelle. La dernière menace française remonte ainsi aux discussions préalables à l’attaque de l’Irak en 2003.
A côté des membres permanents, il faut bien sûr ajouter le peu de bonne volonté de la plupart des autres Etats. La plupart rechignent à participer activement aux projets des Nations Unies, de peur d’être un jour concernés par ceux-ci, et notamment aux opérations de maintien de la paix. Les plus importants participants sont les pays africains, ce qui leur permet de faire financer à moindre coût une partie de l’armée et certains de leurs équipements.
En l’état actuel, l’ONU souffre de son incomplétude.
A l’inverse de l’Union européenne, où les Etats membres ont partiellement consenti à des partages de souveraineté dans certains domaines, l’ONU se retrouve être le forum du pouvoir étatique. Chaque Etat défend son pré-carré, réduisant bien souvent l’Organisation à des séries de monologues (cf. le fameux discours de Dominique de Villepin en 2003 contre le lancement d’une guerre en Irak).
Les rares organes supranationaux n’ont pas de réels pouvoirs. Le secrétaire général des Nations Unies, contrairement à la Commission européenne, est totalement dépendant du bon vouloir du Conseil de sécurité, lui-même paralysé par les positions des uns et des autres. Comme un symbole, son premier occupant Trygve Lie avait préféré démissionner, estimant que c’était le « poste le plus impossible du monde ». Au moins, dispose-t-il d’une certaine liberté pour discourir sur les drames de notre monde. Quant à la Cour internationale de justice, derrière ses oripeaux de juridiction, elle est soumise à l’acceptation par les Etats de sa compétence. Bilan : seul le Royaume-Uni parmi les membres permanents a accepté de lui reconnaître ce droit.
Il est à craindre que le souffle qui a présidé à son instauration soit depuis longtemps retombé. Certes, l’ONU constituait une réelle avancée par rapport à la Société des Nations. Mais, l’ONU est encore trop imparfaite pour représenter une construction durable et un forum adéquat aux nombreuses nations de notre monde. Elle offre toutefois un avertissement : le « tout Etat » conduit rapidement à des impasses. Aux défis globaux, il ne peut y avoir que des réponses communes.
Sur ce thème, voir Pourquoi des institutions supranationales dans l’Union Européenne ? et Conflit israélo-palestinien : un embargo ou un boycott ?
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