(Affiche, Musée de l’Histoire allemande – 2012)
(Tribune adaptée – publiée dans les Echos)
L’élection de Donald Trump est un événement majeur qui aura forcément des répercussions sur la scène internationale. A cet égard, elle pourrait constituer un tournant inattendu dans l’émergence de l’Europe comme force à part entière.
En effet, les relations entre le Vieux Continent et les Etats-Unis n’ont jamais été sur un pied d’égalité. Depuis la deuxième guerre mondiale, l’Europe se complaît dans une position d’infériorité à l’égard de son allié américain, décrit parfois comme un « grand frère ». La chute du Mur de Berlin a d’ailleurs accru la dépendance européenne vis-à-vis de son partenaire transatlantique. En effet, soucieux d’une protection forte face à la Russie voisine, plusieurs pays d’Europe centrale et orientale se sont clairement alignés sur la politique internationale américaine. L’amitié affichée par certains responsables français et allemand envers la Russie a renforcé la bienveillance de l’Europe à l’Est vis-à-vis des Etats-Unis, au point de les rejoindre en 2003 dans une guerre en Irak.
Or, comme signalé dans le bilan de la Présidence Obama (ici), l’Europe a particulièrement souffert de l’élection de Barack Obama aux Etats-Unis en 2008.
Forcément, l’attrait de Barack Obama auprès des Européens a limité toute perspective de confrontation de part et d’autre de l’Atlantique.
Surtout, l’élection du premier Président noir a clairement rappelé au monde la modernité des Etats-Unis sur la vieille Europe blanche. Dans un monde toujours plus multipolaire, cette diversité affichée au plus haut niveau ne pouvait qu’être appréciée.
Tout au long de cette période, l’Europe aussi bien que ses Etats membres ont été particulièrement inaudibles. Ainsi, les rares progrès sur la scène internationale (le rapprochement avec l’Iran, la lutte contre le réchauffement climatique) doivent essentiellement à l’implication américaine. Durant cette période, l’Europe ne peut se targuer d’aucune réussite propre, ayant accepté une position attentiste pour le reste, conforme souvent aux intérêts américains (Israël/Palestine par exemple).
Or, cette situation pourrait changer.
Même si la politique étrangère que compte mettre en œuvre Donald Trump est encore à définir, les grandes lignes relevées au cours de la campagne semblent indiquer une préférence pour l’isolationnisme aussi militaire que moral.
D’une part, Donald Trump, outre une certaine proximité affichée avec Vladimir Poutine, a rappelé à plusieurs reprises qu’il était temps pour les Européens d’assumer leurs charges dans leur défense. Cette position, si elle se concrétisait, pourrait pousser les Européens à se rapprocher, voire à organiser ensemble une défense commune. Après tout, à plusieurs, le partage des coûts est toujours plus facile.
D’autre part, l’Europe pourrait avoir à reprendre le leadership. Evidemment, un tel statut ne se décrète pas véritablement, il ne suffit pas d’agiter à son tour le flambeau des valeurs.
Mais, l’Europe est la terre historique des droits de l’Homme et de la démocratie. Elle peut, en empruntant la voie de l’exemplarité, constituer une référence dans ce domaine.
Néanmoins, cette perspective est menacée par la situation du Brexit. L’Europe doit éviter à tout prix que le Brexit ne paralyse toute action au niveau international. Cette hypothèse est loin d’être théorique. Sous la Présidence de Georges W. Bush plutôt vilipendée au niveau international, l’Europe a été incapable de faire entendre sa voix, embourbée dans la modernisation de ses traités, et notamment des débats autour d’une Constitution.
L’élection de Donald Trump peut donc constituer une opportunité pour l’Union de s’affirmer sur la scène internationale, en se dotant de moyens propres de défense, en développant sa propre politique étrangère, indépendante de celle américaine. Mais, cette opportunité ne se représentera pas deux fois, elle doit être saisie au plus vite. La réunion d’un Conseil extraordinaire des ministres de la Défense à Bruxelles lundi 14 novembre est un premier pas intéressant, qui demandera à être confirmé.
Sur des thèmes voisins, voir La méthode Trump à l’épreuve, Trump : au nom des autres, Taxations commerciales de Donald Trump : une riposte de l’Union, de guerre lasse ou Europe : une puissance internationale ?
Cela vaut également pour ce qui est de la politique africaine. Dans cet isolationnisme que souhaite le nouveau président, l’aide à ce continent est désormais perçu outre-atlantique comme une perte d’argent. L’Europe aurait intérêt à renforcer son action sur ce continent qui a vocation à jouer un rôle croissant dans l’économie du XXIème siècle.
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Merci pour ce billet. Dans le moderato, vous en oubliez un de taille : les pays d’Europe du Sud Est lorgnant de plus en plus vers la Russie (les élections bulgare et moldave d’hier en apportant une confirmation)…
On Mon, Nov 14, 2016 8:00 AM, Regards sur le monde contemporain comment-reply@wordpress.com wrote: Nicolas posted: « L’élection de Donald Trump est un événement majeur qui aura forcément des répercussions sur la scène internationale. A cet égard, elle pourrait constituer un tournant inattendu dans l’émergence de l’Europe comme force à part entière. En effet, les relatio »
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Vous avez raison. Certains pays à l’Est sont traversés par une fracture croissante entre prorusses et pro-UE. Néanmoins, mise à part la Bulgarie, il ne me semble pas qu’actuellement, d’autres pays de l’Union connaissent une mouvance prorusse puissante. Par exemple, la proximité de la Grèce avec la Russie se retrouve davantage au niveau du Gouvernement que de la population.
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Trump n’est pas le père noël, et l’Europe est trop vieille pour attendre un cadeau de sa descendance. La grande réussite européenne réside dans le maintien de ses valeurs : Zone économique la plus redistributrice au monde, valeur d’exemple ?
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