La revalorisation du Parlement européen : quel bilan ?

P1030214.JPG

(Parlement européen, Strasbourg – 2013)

Cette institution souvent plus connue en France pour financer de nombreux cadres du Front national ou recaser de nombreux responsables des autres partis politiques devrait être au centre du jeu européen.

En effet, le Parlement a le plus bénéficié de la mise en place du Traité de Lisbonne, qui le consacre dans de nombreux domaines comme l’égal du Conseil (les Etats membres), un véritable colégislateur (Petit rappel ici : Le fonctionnement de l’Union européenne pour les nuls).

Or, loin de cette apparente revalorisation, le Parlement européen semble de plus en plus silencieux.

Certes, le Parlement européen continue de manifester à plusieurs moments son humeur. Ainsi, l’accord commercial anti-contrefaçon ou le projet Swift ont été torpillés par le Parlement européen, après une forte mobilisation de la société civile.

De même, le Parlement européen est arrivé à imposer en 2014 sa lecture quant à la désignation du Président de la Commission qui ne relève plus des desirata des Etats, mais des résultats aux élections européennes. Reste à savoir jusqu’à quand (voir Spitzenkandidaten : bal tragicomique à Bruxelles).

Toutefois, certains triomphes ont été justement suivis de défaites bien amères. Ainsi, si le Parlement européen a gagné – temporairement ? – la bataille sur le Président de la Commission, il a perdu celle sur les autres commissaires. En effet, le fait d’écarter au poste proposé la candidate slovène qui n’était d’ailleurs plus soutenue par son Gouvernement témoigne d’une faiblesse d’emprise importante. Pire, certains candidats dont la légitimité et la probité pouvaient être mises en doute ont été avalisés via un accord entre partis politiques au niveau européen, au détriment de l’image de l’Union. Le Français Pierre Moscovici, de gauche, a sauvé sa peau, en même temps que l’Espagnol Miguel Canete, de droite. Plus récemment, la dénonciation de la procédure qui a permis la nomination de Martin Selmyar comme secrétaire général de la Commission européenne n’a été suivi d’aucune conséquence pratique, par peur de provoquer une crise politique. Mais, est-il plus dangereux de remettre en cause le système actuel que de persévérer en l’état ?

Et c’est bien ici une faiblesse du Parlement européen qui s’enorgueillit souvent de parvenir à des compromis gauche-droite. Ces solutions baroques sont parfois insipides car en plus de satisfaire la quasi totalité du spectre politique (centre et verts compris), ils doivent tenir compte des logiques nationales (soit 28 tonalités supplémentaires. Même un arc-en-ciel se limite à sept couleurs).

Justement, les intérêts nationaux l’emportent régulièrement sur l’intérêt de l’Union. Cela s’est notamment vu lors des débats réguliers sur les multiples sièges du Parlement européen. Les eurodéputés français sont presque les derniers à défendre encore le maintien de l’institution à Strasbourg.

Par ailleurs, le Parlement européen cède régulièrement sur l’essentiel. Après des rodomontades pour satisfaire la presse et son rare public, le Parlement finit trop souvent par accepter les mesures qu’il avait initialement rejetées. Le renouvellement de José Manuel Barroso en 2009 à la tête de la Commission, après un mandat bien terne, a été permis par le Parlement européen après une opposition initiale. Plus récemment, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 (perspectives budgétaires européennes) a pu être adopté grâce au reniement du Parlement européen. En effet, les discussions étaient alors vives entre le Parlement et le Conseil, notamment parce que ce cadre présentait pour la première fois une diminution du budget européen – déjà peu élevé. Au final, le Parlement européen a accepté d’abandonner ses principales revendications, en échange de la promesse bien vague d’une possible révision en 2016. Justement, 2016, c’est aujourd’hui, et aucune révision ne se profile.

Evidemment, le Parlement européen est en partie limité dans son action par les traités. Mais, les marges de manœuvre offertes par ces textes ne sont pas pleinement utilisées. Au final, de trop nombreux citoyens ignorent encore le rôle, voire l’existence même de cette institution, et ne se déplacent pas lors des élections européennes.

Mis à part quelques coups d’éclats, le Parlement européen n’arrive pas encore à bénéficier pleinement de la revalorisation de ses pouvoirs.

Toutefois, les difficultés à exister dans l’arène publique concernent aussi les Parlements nationaux. Dans Un Parlement pour quoi faire ?, A. Chandernogor notait la présence d’une crise mondiale du parlementarisme. Mais, les autres Parlements peuvent compter eux sur des relais médiatiques et un espace public pour maintenir le lien avec leurs citoyens.


Plusieurs billets sont consacrés aux institutions européennes et sont à retrouver ici.

N’hésitez pas à parcourir le dossier consacré aux Elections européennes 2019.

12 commentaires Ajouter un commentaire

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s