Colonies en Palestine : un embargo ou un boycott d’Israël ?

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(Coeur gelé- Lac de Vincennes, Paris, 2012)

La France s’est lancée en 2016 dans une nouvelle initiative de paix dans cette région. Intention éminemment louable. Réalisation évidemment sujette à caution.

Les différends entre la Palestine et l’Israël sont nombreux. Aujourd’hui, c’est la question des colonies qui cristallise les tensions, c’est-à-dire l’implantation illégale d’Israéliens en territoire palestinien en violation des frontières établies par la résolution de référence de l’ONU de 1967.

Sans solution à ce problème, il ne peut y avoir d’accord durable.

Malgré les remontrances américaines et européennes, Israël continue sa politique de la terre brûlée, considérant qu’elle gagne chaque fois de nouvelles marges de manœuvre pour sa sécurité.

Force est de reconnaître que les politiques actuelles des autres pays à l’égard d’Israël alternant de réelles carottes à d’éventuels bâtons ne fonctionnent pas.
Certes, bon nombre d’États européens et les États-Unis continuent de ressentir une dette morale envers la population de ce pays pour les crimes commis jadis. S’il ne faut pas fermer les yeux sur le passé, il ne doit pas aveugler le présent.

Il ne s’agit pas de remettre en cause le droit des Israéliens à disposer d’un Etat doté d’un territoire suffisant en ces lieux.

Toutefois, Israël n’est plus depuis longtemps l’agressé. Israël est aujourd’hui devenu, et on ne peut que le regretter, l’agresseur. Ce constat n’est ni antisémite, ni antisioniste. Ce constat est basé sur la réalité du terrain. Israël doit cette nouvelle place à ses efforts constants pour se défendre et à l’incurie de ses adversaires pour présenter un semblant d’opposition ou d’organisation.

Certes, les actions commises en représailles par les Palestiniens ne sont pas excusables. Comme le relevait déjà A. Camus, « à partir du moment où l’opprimé prend les armes au nom de la justice, il met un pas dans le camp de l’injustice ». Néanmoins, elles s’expliquent par le désespoir d’une génération entière qui ne voit pas de solution pérenne à ce conflit. On ne peut toutefois, comme le font certains responsables israéliens, comparer ces événements à une politique d’extermination comme le génocide des Juifs en Europe.

Or, de plus en plus, Israël applique à l’encontre des Palestiniens une politique d’apartheid, passant par un cloisonnement des populations et une division exposée à tous les niveaux. Des bus distincts ont par exemple été mis en place. Des jeunes se font ainsi tirer dessus, sans présenter parfois de réelle menace.

Cette politique doit cesser. Et pour cela, les autres puissances ne doivent pas avoir peur d’intervenir, comme elles l’ont fait à l’encontre de l’apartheid en Afrique du Sud.

Avant de trouver un accord de paix – tâche ô combien herculéenne -, les autres pays disposent de deux principaux moyens de pression face à Israël : l’embargo par les États ou le boycott par les populations.

A cet égard, l’instauration d’un embargo sur la production israélienne et le refus d’exporter quoique ce soit vers chez eux hors produits de première nécessité pourraient permettre de faire progresser les négociations actuellement au point mort.

Deux arguments sont traditionnellement opposés à une politique d’embargo.

D’une part, la politique d’embargo serait un échec, citant en exemples Cuba et l’Iran. En réalité, ces politiques ont « échoué » car une bonne partie de la planète ne s’estimait pas lier par une politique d’embargo vu sous le prisme américain. Et encore, cet échec doit être relativisé, comme en témoignent les volontés de ces pays de se rapprocher à nouveau des États-Unis.

D’autre part, la politique d’embargo serait à proscrire car elle touche davantage les populations. C’est un fait qu’on ne peut que reconnaître. Néanmoins, c’est sur la population qu’il s’agit justement de jouer pour pousser le Gouvernement à revenir dans les discussions.

L’Europe et les États-Unis ne doivent pas craindre d’affronter l’ire d’Israël ou les accusations grotesques d’antisémitisme de la part de certains responsables.

Aucune politique au Moyen-Orient par une puissance occidentale ne pourra être crédible si elle n’évite pas une intervention à géométrie variable. L’antiaméricanisme patent dans cette région doit autant à la guerre désastreuse en Irak qu’à la défense irrationnelle d’Israël.

Un embargo efficace pourrait être précédé d’un boycott de la population des produits israéliens. Les Européens devraient refuser d’acheter les fruits et légumes vendus dans leurs supermarchés en provenance d’Israël. Ces produits sont parfois issus directement des colonies et financent indirectement certaines des expropriations israéliennes. Or, dans l’impossibilité de distinguer leur provenance, un boycott généralisé devrait être appliqué.

A cet égard, un combat juridique se joue en ce moment. La Cour de cassation, dans une décision assez obscure du 20 octobre 2015, a déclaré illégal l’appel au boycott de produits israéliens, estimant qu’une telle initiative relevait de la politique d’un État, et non de l’action d’individus sous peine d’être discriminatoire. Cette interprétation induit une confusion entre deux niveaux d’intervention et prive surtout les individus de toute initiative. Au demeurant, il est à noter que par le passé, les autres politiques de boycott contre le Mexique ou la Birmanie n’ont jamais été interdites.

Il est à espérer que la Cour européenne des droits de l’homme actuellement saisie de cette question ira dans un sens différent.

A court terme, rien ne remplacera toutefois l’action des citoyens. A long terme, ce sont les États qui devront prendre l’initiative. Ce n’est qu’ainsi, par une action commune, que les Européens et les Américains contraindront les Israéliens à revenir à la table des négociations et à sortir du cycle infernal de guerres larvées et de paix armées.


Sur le conflit entre Israël et la Palestine, voir aussi Israël et Palestine : longue vie aux extrêmesIran et Israël : Trump et la politique de la terre brûlée et Iran et Israël : l’Europe comme alternative américaine ?.

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