(Crépuscule sur des éoliennes – Bardenas Reales, Espagne – 2010)
Alcatel, Areva, Alstom. Trois entreprises françaises au sort presque identique.
La première a été cédée à Nokia, la seconde a été fondue dans EDF, la dernière traverse aujourd’hui de grandes difficultés.
Les réseaux, les centrales, et le train. Le monde des communications, l’univers de l’énergie, le secteur des transports.
Trois domaines du futur a priori, trois domaines en pleine évolution et soumis à de nombreux bouleversements.
Trois branches d’une même entreprise, la Compagnie Générale d’Electricité, ancienne gloire des ingénieurs français. Trois fleurons longtemps exposés par la France comme gages de son savoir-faire.
La question récente des suppressions de postes à Belfort par Alstom traduisent les difficultés que connaît l’entreprise, difficultés déjà présentes lors de la cession de la branche Energie au groupe américain General Electric.
Cette situation a pris une tournure particulière, à quelques mois de l’élection présidentielle de 2017. De nombreux prétendants à la magistrature suprême ont aligné les contre-vérités et les propositions inattendues pour organiser le sauvetage des emplois menacés, sans d’ailleurs offrir de véritable résolution à la crise plus profonde que traverse le groupe.
Evidemment, dès qu’une menace pèse sur la viabilité d’une entreprise française, l’Union européenne et plus particulièrement la politique de la concurrence se retrouve sous le feu des critiques.
Accuser l’Europe des failles du système industriel français évite ainsi de se poser les bonnes questions et d’identifier les erreurs commises dans la gestion de la CGE.
Et justement, des erreurs, il y en a eu.
Il y a eu d’abord les errements répétés de l’Etat dans la conduite de ces entreprises. L’Etat en permanence a louvoyé, viré de bord, changé de cap jusqu’à perdre toute cohérence dans la conduite de sa politique industrielle. L’Etat a manqué ainsi d’une vision et d’un plan d’ensemble. L’Etat s’est plusieurs fois refusé à organiser une filière nucléaire cohérente jusqu’à l’échec de l’appel d’offre d’Abu Dhabi (voir aussi : Le nucléaire, une énergie encore d’avenir ?). De même, il ne s’est préoccupé que modérement de la ligne directrice de ces entreprises, comme en témoignent le choix et la fréquence des dirigeants à la tête de ces différents groupes.
Il y a eu ensuite les fautes commises par les différents dirigeants. Excès d’ambition d’abord. Anne Lauvargeon, surnommée « Atomic Anne » et classée parmi les personnes les plus influentes du monde à l’époque refusa d’être regroupée avec Alstom. Mauvais pilotage en plus. Anne Lauvargeon encore décida d’un lourd investissement dans Uramin qui s’avéra un véritable gouffre financier. Conflits d’intérêts possibles enfin. La position de P. Kron, ancien PDG d’Alstom et futur bénéficiaire d’une belle retraite chapeau est pour le moins surprenante. A tout cela, on pourrait ajouter les accusations de corruption qui ont coûté plusieurs milliards de dollars à Alstom.
L’Etat comme ses dirigeants ont d’ailleurs raté la possibilité de mettre en place une entreprise énergétique au niveau européen. De 1995 à 2009, Siemens avait ainsi une participation minoritaire dans Areva. Mais, l’Etat soucieux de son joyau et les dirigeants persuadés de leur force ont mis à mal la patience de Siemens, qui a fini par se désengager. Au vu des situations perspectives de Siemens et d’Areva aujourd’hui, un tel choix apparaît avec le temps risible d’orgueil. Ce qui n’a pas été accompli aurait pu l’être avec Alstom, mais là encore, la France a été particulièrement frileuse.
L’établissement d’Alstom à Belfort va monopoliser la campagne, comme Florange en 2012 et Gandrange en 2007. A chaque élection présidentielle, son site industriel en péril et ses emplois menacés.
Devant ce drame humain, il faut se garder de désigner les coupables idéaux et s’intéresser vraiment au problème actuel de l’industrie français.
Il n’y aura pas de remède miracle, mais il importe que désormais, l’Etat se penche sur cette question. Et les succès perennes comme Airbus ou Ariane montrent que la solution est peut-être dans une véritable politique industrielle européenne, qui nécessitera de composer avec les autres entreprises des pays européens.
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