(Dessin @annegaellon – Twitter)
Voilà un an que la photo d’Aylan a fait le tour du monde.
Aylan, c’était qui ?
Un enfant, un enfant échoué sur les plages de l’Europe, un enfant dont la famille avait fui la guerre.
Une guerre civile en Syrie, une guerre déclenchée depuis 2011 avec les soubresauts du printemps arabe, une guerre due principalement à la folie d’un homme et sa volonté de rester au pouvoir coûte que coûte.
Evidemment, Aylan n’était pas le premier enfant mort dans les affres d’une tentative d’échappatoire. Mais, la photo prise de lui ce jour-là donna un écho particulier au sort de millions de Syriens, obligés de quitter leur pays. Elle fut aussi le symbole des millions de personnes fuyant la guerre, la faim, les épidémies, le réchauffement climatique.
Suite au choc produit par cette photo, l’Europe emmenée par l’Allemagne ouvrit grand ses frontières aux réfugiés. Il s’agissait de montrer la force des valeurs européennes face aux replis nationaux.
Bon nombre de responsables dénoncèrent alors un idéalisme de mauvais aloi, ils critiquèrent une communication de bonnes intentions, voire une politique fondée sur les intérêts démographiques des Allemands.
Cet élan de solidarité hors de l’ordinaire n’aura de toute façon pas duré longtemps.
Face à l’afflux de réfugiés, la plupart des pays européens ont rétabli des barrières plus ou moins réelles entre eux, pour se prémunir à titre individuel de l’arrivée de nouvelles personnes.
La volonté de la Commission de répartir les réfugiés entre les pays européens s’est heurtée au refus catégorique de plusieurs Etats d’Europe de l’Est. Ces pays qui bénéficient souvent d’aides conséquences de l’Union se sont retrouvés les premiers pour dénoncer la générosité de l’Union à l’égard d’autrui.
La question de solidarité entre Européens a semblé faire long feu. Pour maintenir ses frontières au-delà du terme prévu par le Code Schengen, les Etats européens ont estimé que la Grèce ne remplissait plus ses obligations, sans pour autant vouloir vraiment l’aider dans sa prise en charge des réfugiés. Les tensions ont été vives, et ce à plusieurs reprises entre pays membres.
Bilan : les Européens se sont liés à travers un accord avec la Turquie, échangeant de l’argent et une lointaine perspective d’adhésion contre le tarissement du flux.
En réalité, de nombreuses autres vies continuent de s’éteindre dans la Méditerrannée.
Au final, l’Europe s’est perdue dans cette affaire, divisée sur des questions d’apothicaires, incapable d’assumer son statut. Ce n’est évidemment pas la seule : les Etats-Unis, l’Australie, et tant d’autres puissances ont tenté de s’exonérer de leurs responsabilités. Mais, la faute des uns ne devrait pas être un prétexte à notre manquement.
De Michel Rocard, mort cette année, tous les responsables politiques retiennent « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde », et oublient sciemment la suite : « mais, elle doit en prendre sa juste part ».
La France, justement, qui s’enorgueillit régulièrement de ses valeurs, mais qui les oublie si souvent lors de la mise en pratique.
Non sans une certaine ironie, l’ENA interrogeait sur l’épreuve de Culture Générale de 2016 les candidats sur ce sujet : « la France a-t-elle encore vocation à porter des valeurs universelles ? »
Le désintérêt voire le mépris pour le sort des réfugiés est une cruelle réponse à cette question1, loin de l’héritage français (voir France 2017 : une nation ouverte ?)
Ce n’était certes pas seulement l’affaire de la France, mais aussi celle de l’Europe.
Tous deux ont failli à assumer « leur juste part ».
1le débat sur le burkini aussi d’ailleurs.
Sur la question de l’accueil des réfugiés, voir Aquarius : l’Europe tangue, la solidarité coule et Boucs émissaires : les réfugiés (1/3)
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