(La vie et la mort, G. Klimt – Musée Léopold – Vienne, Autriche, 2010)
La décision de la Commission européenne du 28 juillet 2016 de ne pas engager de sanctions à l’encontre de l’Espagne et du Portugal pour ne pas avoir atteint leurs objectifs de déficit public semble signifier la fin d’un Pacte qui n’aura jamais vraiment convaincu.
En effet, le Pacte de stabilité et de croissance a toujours fait face à une coalition de détracteurs. Au fond, on pourrait presque dire que le Pacte a toujours fait l’unanimité, mais contre lui. Il lui a été reproché tour à tour d’être trop lâche, inefficace et trop strict.
Pensé comme unique mécanisme véritable de coordination, il devait permettre l’instauration d’une confiance à deux niveaux, entre les pays membres et entre ces pays et les marchés financiers. Il était censé éviter le comportement de « passager clandestin » d’un Etat qui bénéficierait des efforts des autres pour ne pas agir lui-même, tout en organisant un endettement global maîtrisé pour assurer la soutenabilité de la dette.
Ce Pacte aura connu une première partie plutôt calme (1997-2010). Ce n’était pas tant qu’à cette époque, les règles budgétaires étaient mieux respectées. C’est juste que la seule tentative de la Commission pour sanctionner la France et l’Allemagne en 2003 s’est heurtée à l’opposition de front du Conseil (c’est-à-dire les Etats, avec à sa tête, la France et l’Allemagne justement) et a entraîné un assouplissement des critères.
A l’inverse, sa seconde partie (2010-2016) a été beaucoup plus mouvementée. Suite à la crise des dettes souveraines, déclenchée par la situation grecque, la zone euro et ses Etats ont agi comme souvent dans la précipitation. Pas moins de trois séries de textes ont été adoptées afin de consacrer le retour à la puissance des règles : le Six Packs en 2011, le TSCG en 2012 et le Two Packs en 2013. L’inversion de la majorité pour le vote et l’établissement d’une règle d’or pour le déficit structurel devaient notamment permettre d’éviter une nouvelle crise à l’avenir.
En réalité, alors que chacune de ces règles a été approuvée par l’ensemble des Etats membres, leur application a toujours posé des difficultés. La France, pourtant sous la procédure de déficit excessif en 2009, a miraculeusement échappé aux sanctions en 2015 après avoir repoussé son objectif de deux ans sans préavis. Les perspectives de sanctions avaient en grande partie été balayées à l’époque par les responsables politiques français, invoquant comme argument de défense que la France était un « grand pays ». Comprenez, on ne sanctionne pas un grand pays. Heureusement, pour les polémistes, l’Espagne et le Portugal ont aussi bénéficié de cette nouvelle mansuétude.
Il ne s’agit ici pas de critiquer le bon sens qui a présidé la Commission dans ses décisions. En effet, outre l’impact politique dévastateur, la théorie économique a évolué. Aujourd’hui, il existe désormais un consensus sur l’idée d’un désendettement progressif et adapté. Il est acquis qu’en période de faible croissance, un désendettement est non seulement difficile à réaliser, mais peut porter atteinte à la croissance. De même, l’exemple grec a illustré à l’extrême la spirale autoentretenue à laquelle pouvait conduire une croissance amputée par un désendettement massif et irréfléchi, entraînant au final un surendettement.
Pour autant, on ne peut que regretter que le seul mécanisme de coordination se retrouve désormais inactivé. En effet, les autres mécanismes, comme les grandes orientations de politique économique ou le programme l’Europe 2020, ne sont souvent pas contraignants et ne permettent pas l’installation d’une véritable convergence entre les pays européens. Faute de caractère normatif, ils sont le plus souvent ignoré par les Etats, qui jouent chacun leur propre partition.
Or, cette convergence entre pays d’une même zone monétaire est un absolu indispensable à la pérennité de cette zone.
Comme le relevait un rapport de l’agence de notation Standards and Poors, Le Brexit, une piqûre de rappel pour l’Europe ou pourquoi une souveraineté partiellement partagée est insoutenable, l’Union monétaire se retrouve désormais à un carrefour.
La zone euro peut donc soit avancer vers une intégration plus poussée, soit se diriger vers une fragmentation généralisée. Ce dernier cas sera coûteux en croissance. Mais, l’intégration nécessitera d’accepter d’harmoniser les règles fiscales et sociales, et de mettre en place un véritable budget européen. Comme le relevait en définitive M. Draghi, président de la Banque centrale européenne dans un discours de 2015, il faut « un saut quantique » de la zone Euro, passant d’un « système de règles et de directives pour les politiques économiques nationales à un système s’appuyant sur davantage de souveraineté partagée au sein d’institutions communes ».
De tels transferts de souveraineté devraient s’accompagner d’un renforcement de la démocratisation de la zone euro, avec notamment le regroupement au sein d’un Ministre de la zone Euro du Président de l’Eurogroupe (actuellement le néerlandais J. Dijsselbloem) et du commissaire européen aux affaires économiques et monétaires (actuellement Pierre Moscovici) et la mise en place d’un format euro pour le Parlement européen.
Ces réformes devraient être faites sans attendre, car la prochaine crise n’est jamais prévisible et pourrait advenir plus tôt que prévu. Comme l’avait dit M. Draghi en 2012, il faut être prêt à faire tout ce qu’il faut pour sauver l’euro.
Justement, L’euro, à quel prix ?
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