Le jour d’après le Brexit

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(Lever de soleil au bord de la Tamise, Londres – 2011)

Si jamais les Britanniques devaient se prononcer pour un Brexit, qu’arriverait-il ensuite ?

1) Un vote négatif conduirait certainement à des turbulences politiques, voire économiques, au Royaume-Uni.

Un Conseil européen, c’est-à-dire une réunion des chefs d’Etat et de gouvernement, est prévu pour les 28/29 Juin 2016. A priori, la question du départ des Britanniques aurait dû être l’un des sujets principaux de ce Conseil.

Néanmoins, pour des raisons de politique interne, il se pourrait qu’il faille reporter la discussion autour du Brexit à un prochain Conseil, voire à une réunion extraordinaire.

En effet, en cas de vote négatif, David Cameron, aujourd’hui premier ministre, risque d’être renversé par les députés conservateurs conduits par Boris Johnson. Ce dernier aspire depuis son départ de la mairie de Londres début 2016 au poste de Premier ministre. Le temps que le parti conservateur règle ses comptes, il se pourrait bien que les réflexions autour du Brexit soient suspendues. En plus d’ouvrir une possible période de tensions en Europe, la crise se trouverait certainement démultipliée au niveau britannique.

A cette crise politique, il est possible que se greffent des séquelles économiques, notamment une dévaluation de la livre sterling et une baisse des indices financiers européens.

2) L’organisation du retrait d’un Etat membre prévu à l’article 50 du Traité sur l’Union européenne engendrerait tensions et incertitudes.

Une fois l’équipe gouvernementale britannique définie, celle-ci ira à Bruxelles ouvrir la procédure de sortie d’un Etat membre.

Il est en effet très peu probable que des Britanniques assurés et des Européens lassés cherchent à négocier un autre protocole de maintien du Royaume-Uni pour soumettre le projet à un nouveau référendum.

Que dit alors l’article 50 ? Principalement, deux choses :
– l’accord de séparation doit recueillir une majorité qualifiée au Conseil (Etats membres) et l’approbation du Parlement européen
– sauf accord conjoint entre le pays qui veut sortir et l’Union, le pays peut sortir au bout de deux ans.

C’est extrêmement peu. Ce qu’il advient lorsqu’un pays veut sortir de l’Union européenne relève pour beaucoup de la fiction (voir, à cet égard, le bel article écrit par le journal Le Monde : ici). Vraisemblablement, le Conseil européen donnera mandat à la Commission de négocier le départ du Royaume-Uni au nom des 27 Etats restants.

Quel régime pour les relations Royaume-Uni/Union européenne ?
– un régime proche de la Norvège : marché intérieur contre financements et réglementations.
– un régime proche de la Suisse : accords bilatéraux contre financements restreints.
– un régime proche de la Turquie : union douanière.
– un nouveau régime.

Quel que soit le régime, il faudra déjà que les 27 Etats s’entendent sur le sort réservé au Royaume-Uni. Certains comme la France et l’Allemagne sont pour une position rigoureuse contre le Royaume-Uni – la maintiendront-ils une fois le Brexit voté ? -. D’autres Etats, les Pays-Bas pour des raisons commerciales notamment, sont beaucoup plus conciliants et veulent perpétuer les meilleures relations possibles avec le Royaume-Uni. Ce dernier aussi aura son mot à dire sur la question.

Des possibles divergences de points de vue augureraient de négociations difficiles et compliquées, et augmenteraient les incertitudes.

3) Ces négociations devraient se terminer par un accord surprenant.

Une fois l’accord trouvé, il faudra espérer que le Conseil et le Parlement européen s’entendent. Que faire si notamment le Parlement européen, parce qu’il s’estime mal associé aux négociations – reproche réitéré pour de multiples accords – s’oppose à l’accord ?

Qu’arriverait-il en plus si Royaume-Uni soumettait l’accord de départ à un nouveau référendum ? Comment interpréter un « non » à l’accord de séparation ? Ces questions sont loin d’être anodines et pourraient compliquer la sortie du Royaume-Uni.

Quoiqu’il arrive, le nouveau régime qui liera Royaume-Uni et Union européenne risque de se révéler encore coûteux en terme d’argent (participation au budget de l’Union européenne) et d’orgueil (adoption de décisions pour lesquelles il n’aura plus son mot à dire). Les plus eurosceptiques chez les Britanniques risquent à cet égard de se sentir légèrement floués par leurs votes.

On ne peut certes pas retenir un peuple contre sa volonté. Mais, on ne peut sortir d’une telle organisation n’importe comment. En effet, l’Union a investi de nombreux pans de nos vies. Qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, il s’agit d’un fait. Si avec le temps, certaines mesures nationales peuvent remplacer les dispositions de l’Union européenne. Il faut admettre qu’aujourd’hui, certaines mesures doivent, pour être efficaces, prises à un niveau supranational, c’est-à-dire à un niveau susceptible de compter suffisamment.

4) Un référendum négatif appelerait certainement d’autres référendums.

D’autres référendums seraient susceptibles de suivre le Brexit.

D’une part, les Ecossais plus favorables à la construction européenne pourraient relancer leurs velléités d’indépendance et demander à sortir du Royaume-Uni pour adhérer à l’Union européenne. Cette action ne manquerait pas de déplaire aux partis d’extrême-droite souvent favorables à l’indépendance de l’Ecosse pour des considérations internes, mais vivement opposés à son intégration dans l’Union (voir L’Ecosse face au Brexit : une indépendance pour l’Union ?).

Par ailleurs, le Sinn Fein (parti irlandais indépendantiste) pourrait demander un référendum pour la fusion de l’Irlande (voir Question irlandaise et Brexit : la quadrature du cercle).

D’autre part, le Brexit pourrait enclencher le départ d’autres pays. Ce point reste toutefois sujet à caution. Mise à part en France avec le FN et un parti d’extrême-droite aux Pays-Bas, il n’existe pas de mouvement d’importance qui appelle à la sortie de l’Union européenne. Même dans ces pays, l’organisation d’un tel référendum n’offrirait certainement pas les mêmes scores pour le Brexit.

En définitive, le référendum sur le Brexit signera très certainement la défaite de David Cameron, pas celle de l’Europe.


Sur le dernier état des lieux après la concrétisation du Brexit le 31 janvier 2020, voir :
¤ Le Brexit, c’est maintenant ?
¤ Les Britanniques sur le départ, les Européens au travail ?
¤ Brexit : les enjeux (Volume 2)

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