(Protège-bananes, Uppsala, Suède – 2011)
Il est de bon ton de railler l’habitude de l’Union européenne de réglementer le poids, la forme, et tant d’autres caractéristiques des produits que nous retrouvons dans nos assiettes.
Après tout, à en croire certains responsables, nul besoin de réglementation, puisque chacun, au fond, est à même de décider. Comment penser que même dans nos choix alimentaires, nous devrions subir les « diktats alimentaires des odieux technocrates de Bruxelles coupés des réalités locales et insensibles aux charmes de nos fruits et légumes » (sic) ?
La réalité est toutefois plus complexe.
Qu’il y ait eu des abus par le passé, c’est un fait. De nombreuses réglementations ont d’ailleurs été supprimées depuis (ex : abolition de la réglementation de 2009 définissant les critères auxquels doivent répondre un concombre). En effet, la volonté d’offrir des produits de qualité a parfois souffert d’un formatage excessif, au point que les consommateurs ne se voyaient offrir qu’une image artificielle d’un produit.
Pour autant, qu’en est-il aujourd’hui ?
Tout d’abord, il convient d’opérer une démystification. La France aussi a son lot de réglementations que le profane peut trouver contre-productive. Ainsi, la France protège notamment la dénomination de ses pains (voir en ce sens ce superbe décret détaillant les caractéristiques d’une baguette : ici).
En effet, si les pays recourent aux normes, c’est qu’elles sont souvent utiles. Vous n’aimeriez certainement pas que derrière l’appellation « bananes », on vous vende un sachet de poire en poudre. Vous vous sentiriez alors quelque peu lésé. De même, vous souhaitez obtenir un objet répondant aux qualités du pain lorsque vous achetez un produit vendu sous ce générique.
D’ailleurs, ces normes peuvent même être particulièrement nécessaires. C’est une réalité : les pays, même au sein d’une union, sont en concurrence les uns avec les autres. Tout territoire essaie toujours d’exporter au maximum et d’importer au minimum. Or, pour empêcher l’arrivée de certains produits, certains pays vont ainsi tenter de réglementer certaines productions pour orienter les choix des consommateurs. En résumé, ils vont interdire certains noms parce que les produits ne répondaient pas selon eux aux caractéristiques essentielles des produits. Derrière cette pratique, il y avait la volonté de favoriser la production nationale. Le Cassis de Dijon et les bières pour l’Allemagne, les pâtes en Italie, toutes ces affaires ont réellement eu lieu. Sur la première affaire, l’Allemagne avait ainsi argué de la nécessité de taxer plus fortement les boissons légères que les boissons fortes pour endiguer l’alcoolisme. C’est bien connu, pourtant, les alcools légers sont plus dangereux que les alcools forts (sic). De même, dans le second cas, l’Allemagne s’était réfugiée derrière le recours à certains additifs pour exclure des produits étrangers. Là encore, seul ce pays semblait se soucier du bien-être de ses consommateurs (sic). Toutes ces réglementations ont bien sûr été déclarées contraires au droit de l’Union par la Cour de justice pour entrave injustifiée au commerce.
Car oui, qui dit marché commun, dit juge unique.
On voit bien que l’harmonisation au niveau européen est souvent le meilleur moyen d’une lutte équitable entre les entreprises.
Cette volonté d’harmonisation est d’ailleurs souvent demandées par les entreprises productrices, voire même par certains Etats à la production importante. Il s’agit d’assurer une concurrence saine et équitable entre les entreprises.
Cette question des normes a pris d’ailleurs une importance particulière dans le cadre des négociations sur le TAFTA.
En effet, l’Union européenne est la première puissance normative au monde, protégeant notamment une centaine de productions (la feta, le parmesan, le champagne, …). Aux Etats-Unis, à l’inverse, n’importe quelle entreprise peut reprendre la dénomination de ces produits sans lien quelconque avec le produit.
Il faut arrêter d’accuser l’Union européenne de tous les torts. Car oui, si vous êtes soucieux de ce qu’il y a dans vos assiettes, elle a raison de s’intéresser à vos bananes et à vos concombres.
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