(Stands européens – Paris, France – 2012)
A l’heure du référendum du Royaume-Uni sur son appartenance à l’Union européenne, les relations entre référendums et Union européenne reviennent sur le devant de la scène.
Il est en effet de bon ton d’accuser l’Union européenne de mépriser la souveraineté nationale. A chaque référendum qui se présente, voilà l’Union européenne soupçonnée de taire la volonté populaire.
Or, le recours à un tel instrument ne va pas sans poser problème. Il inscrit une approche binaire – acceptation/refus – dans le contexte particulier d’un instant. Un « oui » à un moment donné peut ne plus avoir de sens peu de temps après, et inversement. Il doit être interprété souvent en lien avec certaines considérations externes au sujet même du référendum. A cet égard, le succès du référendum sur la Constitution de la Ve République en 1958 et l’échec du référendum sur les régions de 1969 doivent bien plus à leur auteur putatif, Charles de Gaulle, qu’aux textes eux-mêmes.
Et c’est là notamment que le bât blesse dans le cadre européen puisque les hommes politiques nationaux se défaussent de toute responsabilité dès qu’il s’agit de l’Union européenne, et que l’Union européenne ne dispose pas – encore ? – de représentants capables de porter de tels projets au sein des Etats membres.
Au demeurant, un référendum relatif à l’Union européenne est d’autant plus difficile qu’elle instaure des considérations nationales sur une question transnationale.
Toutefois, force est de constater que cet instrument est de plus en plus utilisé. Retour donc sur les référendums consacrés à l’Union européenne.
1) Référendums positifs :
Oui, un résultat positif est possible lorsque le sujet porte sur l’Union européenne. Mais, parce que de tels référendums ne font pas débat, il convient de ne pas trop s’y attarder. Néanmoins, en nombre, le « oui » l’emporte largement sur le « non ». Mentionnons donc :
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d’une part, les adhésions d’un pays à l’Union européenne : l’Irlande, le Danemark et le Royaume-Uni (a posteriori pour ce dernier) en 1972, l’Autriche, la Suède et la Finlande en 1995, tous les pays de l’Est sauf Chypre (pour des raisons de politique interne) en 2004 et celle de la Croatie en 2013 ;
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d’autre part, les acceptations de traités européens : l’Acte Unique Européen par le Danemark et l’Irlande, et celles du Traité de Maastricht par la France et l’Irlande, du Traité d’Amsterdam par le Danemark et l’Irlande, du Traité constitutionnel par l’Espagne et le Luxembourg, du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance par l’Irlande, et les cinq acceptations de la Suisse des accords avec l’Union européenne.
2) Référendums négatifs :
Etudier les cas de référendums négatifs nécessite de distinguer selon la réaction apportée par les dirigeants nationaux à ce résultat. Il convient à cet égard de rappeler que l’Union européenne, bien que désignée comme bouc-émissaire, n’est pas responsable des agissements des hommes politiques nationaux.
¤ Référendums négatifs uniques sans conséquence :
Le Danemark et la Suède ont tous deux dit non à l’euro en 2000 et 2003, sans suite depuis.
¤ Référendums négatifs revotés :
Certains trouveront ce procédé grossièrement antidémocratique. Pourtant, il s’agit d’un texte généralement remanié. Peut-on considérer que parce que le suffrage avait rejeté une première fois le projet de Constitution de IVe République, un nouveau projet ne pouvait être présenté ? A cet égard, il convient de relever que le Traité de Maastricht présenté au Danemark la seconde fois diffère par ses nombreuses exemptions du premier projet.
Il est vrai que parfois, certains projets sont des fac-similés des premiers. Mais, n’est-il pas possible d’admettre que la population peut aussi changer d’opinion entre temps ? Sinon, comment un homme politique battu à une élection arriverait-il à gagner la fois suivante ? Ainsi, l’Irlande, par deux fois, avec les traités de Nice et de Lisbonne, a changé d’avis. Personne ne l’a forcée à ce revirement. Pour preuve, la Norvège a rejeté deux fois l’adhésion à l’Union en 1972 et 1992 sans être contrainte à adhérer.
Le Royaume-Uni actuellement fait preuve d’une grande originalité, puisqu’il est le premier qui après avoir dit « oui » en 1974, soumet à nouveau son adhésion à la consultation populaire. Quelque soit le résultat, il est certain qu’il sera respecté.
¤ Référendums négatifs en apparence non-reconnus :
Ce sont logiquement eux qui font le plus débat. On pense aux référendums de la France et des Pays-Bas de 2005 à propos du TECE et de la Grèce de 2015.
Dans chacune de ces situations, les référendums ont été effacés par l’acceptation du Parlement d’un accord peu ou prou similaire à celui rejeté par le peuple. Certes, il convient de rappeler une fois encore que l’Union européenne n’a rien imposé. Ce sont les responsables politiques nationaux qui ont décidé de faire accepter ledit traité par une autre voie.
En France, il faut toutefois souligner que Nicolas Sarkozy – qu’on soit partisan ou non – avait clairement indiqué dans son programme présidentiel sa volonté de ratifier par voie parlementaire un « mini-traité ».
Certains trouveront qu’il ne s’agissait pas d’un mini-traité. Si l’appellation est certes trompeuse, elle n’en demeure pas moins assez juste d’un point de vue proeuropéen. Contrairement à ce qui a été dit, bon nombre des dispositions contenues dans le TECE étaient déjà présentes jusqu’alors. Le Traité de Lisbonne a, à cet égard, réalisé essentiellement un travail de toilettage. La différence majeure entre ces deux traités est la disparition des aspects symboliques. Fini les lois européennes, fini la mention des symboles de l’Union européenne (drapeau, devise, hymne), fini la mention d’un ministre des affaires étrangères de l’Union européenne (voir Traité constitutionnel : un échec pavé de bonnes intentions).
¤ Cas du référendum britannique de 2016 – Brexit
Propos rédigés avant le vote du 23 juin : « Si le Royaume-Uni devait voter en faveur du Brexit, l’Union européenne et les Etats membres, pour préserver le Royaume-Uni, pourraient proposer de nouvelles concessions pour le pousser à une nouvelle consultation populaire. L’Union européenne ne doit pas se rabaisser à un tel comportement. La construction européenne mérite mieux que cela. »
Depuis ce référendum, on peut constater que l’Union européenne n’a – heureusement – pas cherché à négocier à tout prix le maintien du Royaume-Uni. Celui-ci est libre de partir. Force est de constater que c’est le gouvernement britannique qui a retardé le déclenchement de la procédure de sortie – 9 mois ! – et qui souhaite désormais parvenir à un accord le plus large possible avec l’Union (voir 3…2…1… Brexit !)
En définitive, le sort de ces référendums, positifs ou négatifs, est extrêmement variable. A cet égard, l’Union européenne se retrouve souvent confrontée à un instrument d’abord utilisé pour des considérations internes et sur lequel elle n’exerce aucun contrôle. Cet instrument n’est pas sans poser aussi de nombreuses questions. Comment exercer une souveraineté dans un cadre national sur une entité commune appartenant à tous ? Que faire en outre si un Etat membre rejette un des Traités, mais que les 27 autres Etats membres l’acceptent ? Ne faudrait-il pas alors accepter l’idée d’une prise en compte des résultats globaux, et non pays par pays ?
A tous ces questions, il n’est pas de bonne réponse, juste des réflexions à poser pour l’avenir d’une Union qui se veut toujours plus démocratique mais qui doit répondre à des intérêts sans cesse plus divers.
Sur ce thème, voir Le référendum, outil démocratique ou arme populiste ? et Europe et citoyens : couple paradoxal.
D’autres décryptages de l’actualité européenne à retrouver ici : Décryptage européen.
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