(Blocs de béton – Bois de Boulogne, Paris – 2013)
[INFO : Cet article traitera des ressorts de la saison 4 de la série House of Cards et contient donc des développements susceptibles de dévoiler des éléments de l’intrigue.]
Dans l’épisode final, Frank et Claire Underwood, en route pour l’élection présidentielle américaine de 2016, doivent faire face aux révélations d’un article paru dans le journal Herald.
Pour rappel, le journaliste Hammermish avait obtenu des témoignages probants quant à l’implication de Frank Underwook dans le financement illégal de son parti, en lieu et place du président Garrett Walker, accusé à sa place et contraint à la démission.
Les voilà donc à nouveau acculés, au point d’être mis pour la première fois sur la défensive.
En parallèle, les Etats-Unis sont en proie à une menace terroriste sans précédent et le pays fait face à une prise d’otages dont l’issue pourrait être tragique.
Après avoir tenté dans un premier temps de dialoguer avec les terroristes, le couple Underwook s’accorde sur une nouvelle stratégie.
Désormais, plus de négociations. Ils laissent ainsi le père de famille être exécuté en direct par les terroristes. Objectif : non seulement détourner l’attention, mais aussi installer une menace effrayante au sein de la population.
Face à la monstruosité de leurs adversaires, ils deviennent, en tant que détenteurs actuels du pouvoir, le principal recours et le seul refuge que recherchent les citoyens.
La série House of Cards au plus proche de la réalité ?
Dans un pays sous le coup d’une énième prolongation de l’état d’urgence, un tel scénario ne devrait pas manquer de nous interpeller. Il ne s’agit certainement pas d’une stratégie délibérée de la part de nos gouvernants ; mais, il n’en est pas moins certain qu’elle constitue un moyen particulièrement performant pour maintenir les gens en alerte.
A cet égard, qui peut penser sérieusement que des groupes de trois militaires ou gendarmes qui circulent dans nos rues sont à même d’empêcher l’action de terroristes ? Certains répondront que le seule présence dissuade en partie les terroristes de commettre des attentats. La vérité, c’est que nous acceptons sur notre territoire cette présence militaire parce qu’elle nous rassure. Pour autant, cette démonstration, même légitime, est-elle le moyen le plus efficace ? Faut-il céder à nos peurs ?
La peur offre en effet la possibilité de faire accepter aux gens des choses qu’ils auraient souvent refusé en dehors de celle-ci.
Or, la peur est destructrice. Elle détruit non seulement nos valeurs, mais le lien social qui nous unit les uns avec les autres.
L’Etat moderne s’est à l’origine construit sur la capacité à protéger ses citoyens. Ce n’est pas un hasard si Thomas Hobbes, grand théoricien de l’Etat et du contrat social, a choisi comme symbole le Léviathan, magistral monstre marin, à une époque où l’Angleterre est imprégnée par la peur d’une attaque de l’Invincible Armada espagnole.
Pour autant, de son rôle de protecteur, l’Etat ne doit pas se retrouver à pérenniser des peurs. L’Etat s’appuie sur le vivre-ensemble commun. Ce vivre-ensemble ne peut se maintenir et croître que dans la confiance en l’autre, et non dans la peur de celui-ci.
Dans son ouvrage La peur, histoire d’une idée politique, C. Robin, chercheur américain, perçoit le recours à la peur comme moyens de contrôle et de pouvoir des gouvernants sur les gouvernés. Il note ainsi que depuis le 11 septembre, les Etats-Unis ont eu parfois recours à une telle politique pour faire accepter leurs décisions.
D’autres responsables avaient en leur temps alerté sur la force de la peur, comme capacité de pouvoir des gouvernants. Comme le relevait notamment le président américain F. D. Roosevelt, la principale chose dont il faut avoir peur, c’est de la peur elle-même. C’est elle qui est susceptible de conduire les individus à des impasses ou des mauvais choix. On ne construit rien de durable sur la peur. C’est avec autre chose qu’on maintient une société.
Ce que nous rappelle House of Cards, c’est que le plus dur n’est pas d’arriver au pouvoir, mais d’y rester. Que pour l’un comme pour l’autre, tous les moyens sont bons. Pour reprendre le mot de Machiavel, « si le fait l’accuse, le résultat l’excuse. » Parmi ces instruments, la peur est l’un des plus efficaces.
Bien sûr, il s’agit là d’une fiction. Mais, elle n’en demeure pas moins riche d’enseignements. Ce n’est pas la peur que les politiques devraient utiliser, c’est à l’espoir qu’ils devraient recourir.
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